Chroniques

Un vendredi par moi

La femme, encore et toujours. Serait-il un jour possible qu’elle jouisse, dans un pays musulman, de l’égalité avec les hommes dans l’héritage ? Pour beaucoup, le fait même de poser la question relève de l’hérésie. Déjà lors de l’affrontement «modernistes» contre «islamistes», au début des années deux mille autour du plan d’intégration de la femme dans le développement, les féministes et leurs partisans mettaient un soin particulier à éviter le sujet. Il était trop sensible pour une phallocratie hyper susceptible sur la question. Surtout il ne fallait pas attiser le feu qui couvait sous le projet d’une nouvelle Moudawana que les conservateurs jugeaient que par trop émancipatrice. Même le fondateur de la Tunisie moderne, Habib Bourguiba, qui avait osé le sacrilège, me dit un ami, de déjeuner en direct à la télévision en plein Ramadan pour en réduire la sacralité et le soumettre légalement au libre arbitre de ses concitoyens, n’était pas allé jusqu’à toucher à l’inégalité des deux sexes devant l’héritage. C’est dire !

L’arrière-plan sociologique d’une telle phallocratie – on ne fait pas cadeau de sa fortune à la famille du gendre afin de mieux favoriser sa propre lignée assurée par le fils – est rarement dicible parce que honteux, et d’ailleurs on s’en passe aisément du moment que le Coran a tranché la question : à l’homme le double de la femme. C’est l’argument massue des islamistes et derrière eux de tous les conservateurs. On ne peut toucher à ce qui a été explicitement réglé par le Livre Saint. Point final pour les uns ! Point à la ligne pour les autres. Car il y a une exception historique à ce dogme, laquelle, même si aux yeux des islamistes elle ne fait que confirmer la règle, ne peut être passée par pertes et profits : l’abolition de l’amputation de la main du voleur par Omar Ibn Al Khattab, l’un des quatre principaux compagnons du Prophète.  Si lui l’a pu, pourquoi les autres s’en priveraient ? L’engagement sur ces sentiers est périlleux, sans doute, mais des femmes, à l’image d’Amina Mrini et Fouzia Assouli, s’y engouffrent courageusement. Les islamistes, habiles, placent devant elles d’autres femmes, histoire de signifier que ce n’est pas qu’une histoire d’hommes. Mais le débat ne fait que commencer et il prendra certainement du temps avant de s’installer prioritairement au cœur de nos préoccupations. En attendant, des pères contournent les versets et les édits en procédant de leur vivant par donations pour mettre les sœurs sur un pied d’égalité avec leurs frères. Dieu saura apprécier la ruse.

Les Bourses ont repris du poil de la bête avant de repiquer du nez. L’Etat a retrouvé sa virilité. Des milliards d’euros et de dollars fusent par milliers pour lubrifier le système qui a coincé. Il faut sauver le soldat spéculateur. Je n’ai rien à redire d’autant plus que personne  ne m’a demandé mon avis. Mais j’ai tout de même un relent d’amertume quand je pense à la Banque mondiale et au FMI qui ont soumis le Maroc dans les années quatre-vingt à un rude plan d’ajustement structurel pour une malheureuse dette de quelque vingt six milliards de dollars.   

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