Chroniques

Un vendredi par moi

Deux événements au cours de la dernière semaine, qui peuvent paraître d’inégale importance, méritent que l’on s’y arrête. L’un est tout naturellement le congrès constitutif du PAM. L’autre se rapporte à la création d’une association marocaine pour la célébration de l’amitié entre Kurdes, principalement Turcs aujourd’hui et Amazighs marocains. Fouad Ali El Himma et ses amis, que l’on disait ces derniers mois hésitants, ont franchi le pas. Le parti a bel et bien été créé. L’entreprise entamée en 2007 par un septembre caniculaire à Rhamna continue. Les Pamistes se sont donné comme secrétaire général Mohamed Cheikh Biadillah. Le fait qu’il soit sahraoui n’est pas indifférent. A-t-il été déterminant ? Je ne crois pas. D’autres candidats étaient en lice avant que le consensus se fasse sur la personnalité de Biadillah. C’est celle-ci d’ailleurs qui a été capitale dans le choix de l’homme. Cet ancien cofondateur du Polisario, rapidement revenu de son égarement en s’apercevant que le Front s’écartait de la voie que lui voulait au départ Mustapha El Ouali et devenait l’otage d’Alger, a un parcours politique singulier pour un gauchiste reconverti en homme de droite. Il a été tour à tour député, plusieurs fois ministre, gouverneur, wali sans qu’aucune de ces fonctions n’altère son image ou macule sa rectitude. Il est tombé tout jeune dans la politique et les charges qu’il a assumées ont aguerri sa pratique de la chose et sa connaissance de son paysage. Son amabilité fera le reste. Il va falloir désormais compter avec.

Un mot tout de même sur le programme du parti. Le PAM ose la réforme constitutionnelle. Elle transcende la traditionnelle répartition du pouvoir entre les différentes institutions pour s’inscrire dans la redistribution du jeu entre le centre et la région. Entre les deux, répartition des pouvoirs et redistribution du jeu, il y aura forcément une relation dialectique.  Dans le langage de Ali El Himma, c’est la seule façon à la fois pertinente et sage de surfer sur «le sens de l’histoire». Le sujet mérite débat et clarification. Il appartiendra au PAM en premier de l’animer. En attendant, un fait devrait être signalé : depuis la chute des Almohades, et en dépit des efforts, au milieu du 14ème siècle, des Mérinides Abou Elhassan et de son fils Abou Inane, c’est, en grande partie, parce que le Maroc n’a pas su ou pu apporter les solutions idoines aux rapports des régions avec le centre, ni de les moderniser, que la décadence du pays s’est inexorablement poursuivie jusqu’à l’établissement du protectorat.

Quel mal y a-t-il à créer une association d’amitié amazigho-kurde ?  Aucun, si l’affinité qui la meut se limite à la promotion de la diversité et de la pluralité comme moteur essentiel de toute société démocratique. Beaucoup, si les motivations qui poussent à de tels rapprochements cherchent dans le séparatisme kurde une source d’inspiration. Ce qui nous ramène, mine de rien, à l’actualité de la réforme constitutionnelle sous l’angle de la reconfiguration du pays dans ses rapports avec son centre et ses régions dans leur diversité. Pour l’amitié amazigho-kurde, elle n’est peut-être que le symptôme d’un mal bénin. Elle peut être aussi le signe précurseur de la première cellule cancéreuse.

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