Un vendredi par moi

Il n’y en a plus que pour lui que ça en prend les formes d’un trouble compulsif. Essayez d’ouvrir un journal sans tomber sur le PAM et sur sa figure de proue. Fouad Ali El-Himma et son parti font feu de tout bois. Une occupation de terrain quotidienne, une sortie chaque jour et toujours un mot qui fait polémique. Je ne sais pas si c’est une stratégie de communication réfléchie ou de la navigation à vue et à l’instinct, je ne sais pas non plus si à l’arrivée la chaîne produirait une montagne, mais pour l’instant ça paye. Ce qui surprend d’abord chez lui c’est son entregent. Quiconque ne connaîtrait pas son cursus dirait que c’est un Obélix  de la politique tombé bébé dans la potion magique. Notez qu’au fond c’est un peu ça. Du coup et sans s’en rendre compte, les vieux adversaires du «nouveau venu» se réduisent d’eux-mêmes à la simple dimension de challengers. Ils se définissent par rapport à lui, réagissent à ce qu’il dit et commentent ce qu’il fait. Les tentatives de son cantonnement passent par l’amitié du Roi dont il se réclamerait, l’appui de l’administration dont il bénéficierait, le débauchage dont il serait très friand. Or, ce jeu a un effet induit cocasse. L’ensemble des dirigeants du parti, à défaut d’être les amis du Souverain, chantent en chœur l’amitié du Roi pour tous les Marocains. Subtil ? Voire, surtout qu’ils oublient d’admettre que toutes les formations politiques recourent ou ont recouru à la récupération des militants phares des autres et que chacune à un moment ou un autre a passé des compromis quand elle ne s’est pas compromise avec l’administration. La partie en devient stérile. Dans une cité en verre, fut-il de l’opacité de la verrerie marocaine, les jets de pierre, s’ils risquent effectivement de casser l’immobilier, ne leurrent plus personne.

L’handicap avec lequel on entame ainsi ce nouveau parcours est une mémoire courte. Il fut une époque où c’était le Mouvement Populaire qui était mis sur la sellette. Le parti du Roi, le protégé de l’administration par lequel le pouvoir tendait à réduire les partis nationaux et faire avorter le processus démocratique, perspective historique incontournable du Maroc. Ce fut ensuite le tour du RNI puis de l’UC avant qu’on s’y fasse pour finir bras dessus, bras dessous à se conter fleurette dans les mêmes coalitions gouvernementales. On reprend les mêmes et on recommence, et s’il est de bonne guerre de chauffer l’ambiance électorale en créant un débat à côté du débat, c’est tout de même lassant de fuir continuellement les sujets en jouant à la marge. Le PAM se cherche une existence qu’il va certainement finir par trouver même si pour cela il doit composer – momentanément ? – avec une réalité qu’il se dit vouloir résolument changer. Il n’en reste pas moins que le même PAM a dans son panier au moins deux points majeurs qui mériteraient qu’on s’y arrête. Il appelle à la réforme de la Constitution en perspective de la création de régions autonomes – autonomie symétrique ou asymétrique, on verra – et affirme  avoir une idée et une vision de la monarchie marocaine. Laquelle ? Pour le savoir avec précision, il faudrait bien le pousser dans ses retranchements, l’interpeller sur la question. En lieu et place, ceux-là mêmes  qui ont une idée de la monarchie qu’ils veulent et revendiquent une réforme constitutionnelle qui flirte parfois avec le parlementarisme, lui répondent «qu’il est dangereux de dire représenter une vision et une idée de la monarchie.» Ce n’est peut-être pas une incohérence, mais ça en a tout l’air.