Chroniques

Un vendredi par moi

Les islamistes – modérés – viennent de lancer une grande campagne pour recueillir cent mille signatures en faveur de l’interdiction de la chicha. Vaste programme contre lequel il n’y aurait rien à redire s’il s’était inscrit dans une opération citoyenne de lutte contre les dégâts du tabagisme. Mais ses concepteurs l’ont habillé des oripeaux d’une morale incertaine et fagoté de valeurs religieuses qui restent à démontrer. Par la même occasion, ils l’ont érigé en acte éminent d’opposition. A qui, à quoi, allez savoir. Ce que l’on appelle également rguila, étrangère au Maroc semble-t-il, devient ainsi une question identitaire dans la peau d’un immigré clandestin qu’il faut reconduire aux frontières. Un enjeu électoral donc. De la fumée pour remporter les législatives de 2012. A croire qu’on a réglé tous les problèmes et ne restait que celui-ci. Les islamistes se rendent-ils seulement compte que leurs campagnes épousent perpétuellement l’interdiction contre la permission, la prohibition contre la tolérance, la prescription contre le libre arbitre. Sauf lorsqu’il s’agit du Code de la route. Tout au long de l’année, ils s’essoufflent à dénoncer le laxisme des pouvoirs publics. A la perspective d’une grève des transporteurs, ils s’échinent à dénoncer le gouvernement. En Islam, il existe certainement un terme pour définir ce genre d’attitude. Mais en général, c’est la culture de l’inhibition.
Sans rapport apparent, le rap. Un mouvement musical, dérivé du contestataire hip-hop. Il déchiquette les phrases et appauvrit la musique. Même si depuis les années quatre-vingt-dix il a acquis ses titres de noblesse, il reste une tendance portée par les marginaux et soutenu par une vaste frange de la jeunesse au look improbable.  Imagineriez-vous un prêtre piercing au nez, pantalon hip-hop et tee-shirt à l’effigie de  Marie mère de Jésus en train de chanter la gloire du Seigneur sur les rythmes survoltées d’une musique black sortie des ghettos noirs américains. Une association française des familles  catholiques n’a pas autant osé mais a eu l’intelligence de s’adresser à la jeunesse avec ses mots et dans sa musique. Un clip rap louant le fils de la Sainte Vierge. Après l’épisode Galilée, banni parce qu’il a repris à son compte la théorie copernicienne faisant du soleil le centre de la voie lactée au détriment de la Terre, l’Eglise catholique, très conservatrice par ailleurs, a réussi globalement à surfer sur les progrès. Au point d’adopter la théorie du big-bang dont l’évolution induit énormément de remises en question de la genèse telle que racontée par la Bible et secoue profondément la chronologie généalogique des prophètes admise par ses Evangiles. Emboîter le pas au progrès au lieu de le retenir, utiliser les modes d’expression du monde moderne plutôt que de les contenir, a été sa façon non pas de coexister avec la modernité mais d’exister en elle.

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