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Une histoire de tolérance

© D.R

[box type= »custom » bg= »#eeedeb » radius= »5″]«N’étouffez pas ce germe, ne le corrompez pas, apprenez qu’il est divin, et ne substituez pas les misérables fureurs de l’école à la voix de la nature»..

Traité sur la Tolérance Voltaire

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Il est certain que malgré un bond socio-économique et une volonté d’insertion actuelle dans une postmodernité assise sur la tolérance et le non-jugement, nous sommes loin du compte. On le voit bien, malgré toutes les avancées sociales et tous les slogans, les valeurs humaines primordiales sont bafouées au nom d’un certain diktat moralisateur désuet et surtout mouvant et discordant. Ces valeurs dont on parle ont un pivot commun qui est la dignité humaine ainsi qu’un moteur social, qui est le labeur.

Tout labeur, tout travail est digne quelles qu’en soient la nature et la teneur. Il implique de l’huile de coude, un lever tôt ou un coucher tard, il impose des sacrifices et surtout le regard de l’autre. Cet autre qui par peur de se regarder pointe du doigt l’autre à fin d’alléger sa propre misère humaine. Nous sommes là face à autant de pools de gens massacrés à cause de leur fonction dans la société et souvent sur des générations qui en payent le lourd tribut. C’est dans ce sens qu’il faut souligner que ces barmaids, souvent cataloguées de prostituées ou de filles de petite vertu, travaillent dur et nuit et jour.

Elles supportent leurs clients malgré leur harcèlement, voire leurs invectives. Elles les servent, elles gèrent leurs dépassements et rentrent exténuées chez elles, expier leur rôle dans la société en offrant leurs salaires ou leurs pourboires à une mère, à une soeur ou à un père qui eux, dans certains cas, se font payer pour accepter la barmaid dans la famille. Il me revient ici l’histoire d’une patiente, brillante médecin de surcroît, dont la mère était barmaid dans un passé lointain. Cette jeune femme, née sous X d’une amourette adolescente d’une mère de 18 ans à peine et non préparée à la vie, a été élevée et accompagnée par sa mère, qui par amour pour sa fille a refusé tout compagnon de vie et a payé sa propre soeur aînée pour l’acceptation de sa fille dans sa propre famille.

Cette jeune femme médecin a rencontré l’amour à son tour mais bien qu’ayant étudié et réussi haut la main, et bien que sa mère ait été à la retraite depuis longtemps, la famille du prétendant a refusé catégoriquement la fille de la barmaid. La médecin a quitté le pays depuis. La fille de la barmaid, le fils de la «Kessala », la fille de la femme de ménage, la fille du maçon, le fils de «Moul L’bid», «Moul na3na3», «Moulat L’bal» et j’en passe… Autant de métiers dénigrés et autant de regards haineux envers des personnes dignes qui travaillent, qui gagnent leur pain à la sueur de leur front. Où sont alors les vraies valeurs face à cette catégorie sociale toujours dénigrée et stigmatisée ? Où sont la dignité, le travail, le respect et la tolérance ? Ce qu’il faut savoir, c’est que face à cette intolérance, face à ce regard méprisant et dégradant, ces parents non tolérés par la société continuent à marquer leur progéniture une fois grandie.

Une mère septuagénaire m’a dit un jour qu’elle ne visitait jamais son fils chez lui car il avait épousé une fille «bien née» (quelle vilaine expression, comme si les autres étaient mal nés) et qu’elle préférait ne pas lui faire honte devant sa belle-famille. De fait nous sommes face à une vie de sacrifices, à travailler en tant que femme de ménage et accompagner un enfant brillant qui, une fois adulte, n’ose pas vous présenter ses enfants car, lui, le fils de la femme de ménage, a honte de sa mère, mais eux, ses fils, ont un père ingénieur, élevé et éduqué par cette même mère femme de ménage.

Quelle aberration. Quelle insulte ! Quelle horreur ! Quelle risée pour notre société qui se cache dans ses propres plis mensongers et fourbes pour pointer l’autre du doigt en inventant des tares là où il n’en existe guère pour détourner le regard des vraies fosses à purin de notre société. Parlons à présent de ces jeunes filles qui servent dans des hôtels ou dans des restaurants ou qui s’engagent dans des écoles hôtelières de renom, souvent poussées par ces mêmes parents qui pointent du doigt notre barmaid du bar du coin. Quelle est donc la différence ? L’une s’est vue payer une école pour servir et l’autre non.

Ou alors quand on paye des études pour servir de l’alcool dans des hôtels, le même métier devient valorisant ? Ce qu’il faut savoir et qui est essentiel, c’est que l’argent non gagné par la sueur de son front ou l’argent facile ou l’argent sans travail est indigne. Tout ce qui est gagné avec honneur, qu’il soit de la «Kessala» ou de la «barmaid » ou de la «secrétaire», ou je ne sais qui d’autres (et ils sont nombreux tous ces métiers dénigrés), doit être respecté. Cette intolérance en tache d’huile témoigne d’un réel mal-être dans la société. Ou d’un réel mal-être face à la femme indépendante et travailleuse qu’on affuble de boulets moraux dans une réelle ambivalence schizophrénique. Cette femme qui vous sert votre verre est indigne mais le verre ne l’est pas ! Au nom d’un alcool interdit, elle est laminée mais cet alcool est pourtant consommé à outrance voire sans autre appréciation que l’enivrement et l’oubli de soi. Cette femme qui vous frotte et vous mue d’une peau morte et sale mérite peutêtre un regard propre.

Cette femme indispensable à vos logis au vu d’un assistanat vécu dans un pseudo-luxe handicapant vous doit le respect et l’insertion de sa progéniture. C’est triste et désolant, mais il faut le dire, la tolérance nous manque. Le respect nous manque. Les valeurs nous manquent. Que faire alors ? Le seul remède est peut-être «d’abandonner cette maladie de l’esprit au régime de la raison».

Mais ladite raison se perd car le cancer social est à son dernier stade assis sur l’image et ses réseaux adulant la médiocrité et offrant à notre jeunesse des héros stupides à argent facile, avec le nez dans la poudre et les fesses au bistouri. Mieux encore, le cadeau du bac réussi est une nouvelle paire de seins pour une jeune fille en fleur en quête d’avenir ! Et on ose pointer du doigt la barmaid et la «Kessala»!

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