Chroniques

Violence contre les femmes au Maroc: Déconstruire les mots, les croyances et les attitudes limitantes

Sophia El Khensae Bentamy | Consultante, coach et enseignante en techniques de communication, coach en psychologie positive et en thérapie par le rire.

Cette violence contre les femmes et les filles qui se matérialise sous différentes formes.
Insistons sur la communication, un levier puissant, incontournable et présent dans tous les niveaux, lieux et formes de la violence. Le levier efficace pour déconstruire les schémas limitants.
L’outil du mieux communiquer et du mieux vivre…
La violence contre les femmes ne se limite pas aux actes physiques ou sexuels ; elle s’inscrit également dans des formes plus subtiles, souvent invisibles, qui opèrent à travers la communication, les comportements et les croyances appelées limitantes. En examinant ces mécanismes dans le contexte marocain, il devient clair que les mots, les attitudes et les pensées collectives façonnent un cadre qui perpétue les inégalités et la discrimination.
Les mots ont leurs poids dans la construction des schémas de pensée, de nos pensées…Nous sommes tous responsables des mots que nous prononçons à notre égard et à l’égard de l’autre…
Le langage, verbal ou non-verbal, est un vecteur puissant, reflet de ces croyances culturelles et sociales. Dans notre société marocaine, certains proverbes et expressions renforcent des stéréotypes de genre. Des phrases comme «Une femme doit rester discrète» ou «L’homme est le pilier de la maison» conditionnent les femmes à occuper une position subordonnée. Ces messages implicites, répétés dès l’enfance, influencent l’estime de soi et limitent les aspirations des femmes. Ces paroles, souvent anodines en apparence, agissent en freins psychologiques. Elles inculquent ces croyances limitantes dont je vous parle et que vous pouvez palper vous-même au quotidien, soit en les croisant, les subissant, ou éventuellement en les perpétuant vous-même, telles que :
– La femme n’a pas les compétences pour diriger ou réussir autant qu’un homme.
– Elle doit sacrifier ses ambitions personnelles pour sa famille.
Cette forme de violence verbale est un rappel constant de «sa place» dans la société.
Ces croyances souvent issues de l’éducation et des normes patriarcales ont un impact direct sur la manière dont les femmes perçoivent leur rôle et leur valeur. Parfois intériorisées au point où les femmes elles-mêmes contribuent à leur reproduction, consciemment ou non. Dans certaines familles, il est courant d’entendre que les filles doivent maîtriser les tâches domestiques tandis que les garçons en sont exemptés. Au travail également, il est possible que les femmes subissent des discriminations lorsqu’elles osent revendiquer des postes de responsabilité ou négocier leur salaire.
Le langage, l’attitude, la pensée, ensemble vont forger ces croyances et les faire s’enraciner dans les esprits et dans nos quotidiens, en impactant violemment l’épanouissement et la condition de la femme.
À chacun de nous femmes et hommes de participer au changement positif pour éradiquer cette violence.
À chacun de nous de mesurer l’impact de nos mots, nos comportements et nos croyances sur nous et sur les autres, et nous entraîner à nous en débarrasser et à les remplacer.
Parmi ces violences, il existe un cercle vicieux, un phénomène souvent négligé qui est la violence psychologique entre femmes. Dans le contexte marocain, les jugements sévères entre femmes, mère-fille, amie-amie, collègue-collègue, voisine-voisine, sur leur apparence, leurs choix de vie ou leur autonomie financière sont fréquents. Ces comportements peuvent être perçus comme une forme de compétition alimentée par une société qui valorise les femmes en fonction de critères limitatifs, tels que leur mariage ou leur rôle de mère. Ces attitudes possèdent un aspect violent qui divise les femmes au lieu de les unir. Elles empêchent également la construction d’une solidarité féminine essentielle pour lutter contre la violence de genre.
La famille qui est souvent le premier lieu où s’exerce une forme de violence symbolique contre les femmes. Des positions fermes de préférences pour les garçons, des restrictions imposées aux filles sur plusieurs aspects du quotidien, leurs choix d’étude, de carrière, l’arrêt forcé d’études, sont autant d’exemples de discriminations sociales enracinées.
Au travail, cette violence va se manifester par ce qu’on appelle -Le plafond de verre-, qui empêche les femmes d’accéder à des postes élevés ou des remarques sexistes, banalisées mais profondément dévalorisantes. Le manque de considération pour les responsabilités familiales des femmes, comme les congés maternité perçus comme un «obstacle» à la productivité.
Notre société marocaine oscille entre tradition et modernité, ce qui rend la lutte contre les violences faites aux femmes particulièrement complexe. Si des avancées législatives ont été réalisées, comme la loi 103-13 sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes, les mentalités elles, évoluent lentement et font que ces normes limitantes citées ici et d’autres non citées influencent toujours les comportements individuels et collectifs, limitant ainsi l’autonomisation des femmes.
Nous avons le défi d’inscrire notre pierre à l’édifice de ce combat, en stoppant tous ces freins à notre niveau.
Déconstruire ces schémas est possible ????!!!! Oui par plusieurs actions telles que :
– La sensibilisation à travers l’éducation : Introduire des programmes éducatifs dès l’enfance pour promouvoir l’égalité des genres et déconstruire les stéréotypes.
– Changer la narration : Encourager l’usage de mots valorisants dans les médias et au sein de la famille pour redéfinir la perception des femmes.
– Soutenir la solidarité féminine : Créer des espaces où les femmes peuvent partager leurs expériences sans jugement et s’entraider.
– Encourager le leadership féminin : Mettre en avant des modèles de femmes leaders pour inspirer les générations futures.
– Impliquer les hommes : Travailler avec les hommes pour déconstruire les idées reçues et promouvoir une communication respectueuse et égalitaire.
La lutte contre la violence envers les femmes passe nécessairement par une transformation des modes de communication et des comportements.
Les mots, les pensées et les croyances limitantes doivent être remplacés par des valeurs de respect, d’égalité et de solidarité, pour davantage de bienveillance et moins de violence dans notre société marocaine. Communiquons mieux, et vivons mieux ensemble !

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