Vers le début des années 90, le paysage médiatique marocain, notamment la presse écrite, vit un climat d’ouverture, à l’image du reste du pays. La Constitution instaure les principes de liberté d’opinion et d’expression et les années qui suivent connaissent un réel essor de la presse écrite au Maroc. Après une presse traditionnellement partisane, des supports en tous genres, plus ou moins engagés et revendiquant une indépendance éditoriale voient le jour. A partir des années 2000 la tendance qui se confirme est celle de la diversité et la multiplicité des supports. Du côté de la presse écrite, le nombre de titres connaît une évolution exponentielle avec la création de plus de 50% des titres présents aujourd’hui.
L'audiovisuel se libéralise
Le paysage audiovisuel a, quant à lui, connu une mutation majeure avec sa libéralisation en 2006. En effet, en novembre 2004, le Parlement adopte un projet de loi sur la libéralisation de l’audiovisuel. Deux années plus tard, 11 licences sont octroyées à des radios privées, mettant ainsi fin au monopole de l’Etat sur les ondes marocaines. Une deuxième vague de licences marque la naissance de 4 autres radios en 2009. Cependant, du côté de la télévision, aucune licence n’est attribuée, malgré l’appel du Conseil de la concurrence en 2013 à une ouverture du marché de la télévision à l’investissement privé.
Montée en puissance du Web
L’un des aspects tout aussi essentiels de cette évolution est également la création de médias électroniques, faisant, depuis 2011, office de source d’information alternative pour bon nombre de Marocains. Les derniers chiffres du ministère de la communication parlent de 500 journaux électroniques en 2012. Néanmoins, durant ces deux dernières années, les facilités techniques de création de site web (technologies open source et CMS), et l’espoir de subventions de l’Etat ont eu, pour conséquence, une prolifération des sites web d’information, dont le nombre aurait au moins doublé.
Si le secteur reste à ce jour désordonné, une volonté de reconnaissance et de structuration est néanmoins visible. En 2012, un processus de concertation avait été lancé par le ministre de la communication Mustapha El Khalfi, dans le but d’examiner les divers aspects de la presse électronique au Maroc, notamment le côté juridique, le modèle économique ainsi que la déontologie de la profession et la question de la propriété intellectuelle. Cette réflexion a débouché en 2013 sur l’élaboration du livre blanc pour la promotion de la presse électronique.
Ce document, premier du genre au Maroc et qui fait office d’avant-projet de loi, comprend deux avancées notables : d’abord la préservation de la liberté de la presse électronique par la loi, ensuite la reconnaissance juridique des organes de presse électronique qui aura pour principales conséquences la possibilité d’octroi de cartes de presse aux journalistes web et celle de l’obtention de l’aide publique prévue dans le contrat-programme pour la qualification de l’entreprise de presse.
Un nouveau code de la presse
Le monde des médias au Maroc a aussi connu un changement majeur, d’un point de vue législatif, avec l’avènement du code de la presse en 2002. Ce code, qui se voulait un texte de référence pour la profession, a été accueilli par une vague de critiques de la part des professionnels, du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) et de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ). Les peines privatives de liberté et les formulations «trop vagues» contenues dans le code étaient l’un des points de discorde principaux. Ces nombreuses critiques mènent à une réforme du code de la presse en 2007. Plusieurs articles sont modifiés, d’autres supprimés. Si le texte de 2002 prévoyait vingt-six cas de figures où un journaliste pouvait finir en prison, celui de 2007 les réduit à cinq. Cependant, pour la quasi-totalité du corps de métier, cette réforme n’est pas suffisante. En 2012, Mustapha El Khalfi, annonce la constitution d’un comité national pour la réforme du code de la presse et de l’édition présidé par le journaliste et ancien ministre Larbi Messari. La FMEJ et le SNPM sont tous deux représentés dans cette instance.
La genèse du code semble, néanmoins, nécessiter plus de temps que prévu : le projet de loi qui devait être présenté au Parlement en novembre 2013 se fait toujours attendre. Dans un entretien accordé à ALM en mars dernier, le ministre de la communication avait assuré que le code de la presse sera présenté au Parlement à la session d’avril. «Malgré les longs et riches débats qu’il suscite, ce projet sera soumis au Parlement au mois d’avril», avait-il déclaré, assurant que cette nouvelle version ne contient aucune sanction privative de liberté. Le ministre de la communication a présenté le projet du nouveau code de la presse aux dirigeants de la SNPM et de la FMEJ, le mardi 15 juillet 2014. Tout le monde se pose la même question : le nouveau code prévoit-il encore des peines de prison pour les journalistes? La réponse ne souffre aucune ombre: «plus de peines de prison contre les journalistes». Ce dernier a précisé pour ALM que c’est là un grand acquis pour la presse nationale. Ce projet a mis le temps qu’il fallait pour ne rien laisser au hasard. «Nous avons mis les bouchées doubles pour que ce code réponde vraiment aux attentes de toutes les parties intégrées dans ce secteur clef de la vie démocratique marocaine». Comme le stipule le nouveau code de la presse, «la fermeture de journaux relève désormais de la justice. L’autre point important à souligner est que le chef de gouvernement et le ministère de l’Intérieur n’ont plus la compétence d’agir dans ce domaine.» On le voit bien, si le paysage médiatique marocain a connu une série de mutations lors des 15 dernières années, il reste de manière générale marqué par une offre plus large et plus diversifiée mais toujours en proie à des obstacles financiers, et une législation qui tarde à s’adapter à la réalité de la profession.
Sara El Majhed