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A la quête d’un soft power via la culture marocaine

© D.R

Le Festival Gnaoua est, tel que le qualifie lors de son forum samedi à Essaouira, sa fondatrice, Neila Tazi, «est une sorte de soft power ».

La responsable, qui remonte le temps, à une vingtaine d’années d’existence de cette manifestation artistique couronnées par une inscription à l’Unesco, se projette dans le futur. «Beaucoup de chemin à faire. La culture reconnaît les chemins du possible», avance-t-elle en se félicitant de l’ambiance règnant dans la ville qui retrouve des couleurs. Le tout en se comparant à d’autres pays comme la Corée dont l’ambassadeur est invité au forum. «Ce pays fait des pas. Nous avons beaucoup à apprendre», estime-t-elle en présence du président du CCME (Conseil de la communauté marocaine à l’étranger), Driss El Yazami, ayant contribué à la création de ce forum dont l’édition de cette année est marquée par la présence de participants de marque.

Nécessité d’une politique culturelle

C’est l’écrivain, journaliste, président des Compagnons de Gutenberg, Khalil Hachimi Idrissi, qui ouvre le bal des interventions. A son sens, «le soft power n’est pas du lobbying». Ce pouvoir est, tel qu’il l’explicite, censé avoir des préalables. «Il faut une culture riche, diversifiée, profonde, légitime et multiséculaire», détaille l’orateur. C’est le cas du Maroc qui a, comme l’indique M. Hachimi, également DG de la MAP (Agence Maghreb Arabe Presse), la culture de l’accueil et hospitalité. Ce soft power n’a aussi rien à voir avec la publicité tel qu’il l’estime. Pour illustrer cela, il donne l’exemple des relations avec Israël, de la diplomatie parallèle, ainsi que les investissements directs à l’étranger. «Le soft power est créé par la stabilité institutionnelle», détaille-t-il. Quant à l’action culturelle marocaine, elle est, pour lui, portée par des initiatives «individuelles mais douloureuses et difficiles».

Dans ce sens, le problème lié à la consolidation de ce power réside dans la manière de «relayer ces initiatives». Il est aussi question, tel qu’il l’avance, d’avoir un impact sur la politique du pays. «L’État doit se donner les moyens pour aider à pérenniser ces activités», ajoute-t-il en mettant l’accent sur la formation d’acteurs, comme préalable au soft power, pour agir sur celui-ci. L’objectif ultime étant d’être capable d’exporter une image de notre pays. «Quand on fait un festival, ce qu’il faut attendre de l’État, c’est réserver un gros budget à la culture même au niveau des communes et provinces», clarifie-t-il en s’exprimant sur la capacité à avoir pour créer des produits culturels. De même le gouvernement doit être sensibilisé à cet effet. «La culture est une priorité et urgence. L’État doit avoir une politique culturelle. Il est temps qu’on prenne une conscience collective dans le domaine de la culture avec une projection a l’étranger et qu’il y ait une ambition pour ce soft power marocain», tranche-t-il en tenant à cette vision globale au lieu de donner des subventions.

L’exemple de biennales

Egalement de la partie, la directrice de la publication marocaine d’art Diptyk Magazine, Meryem Sebti, abonde à son tour dans le sens de ce soft power marocain. Pour illustrer ce pouvoir, elle donne l’exemple de l’art contemporain qui est, à ses yeux, une «façon de raconter son histoire par sa culture». Par la même occasion, elle cite la biennale de Dakar qui est pour elle un exemple de soft power, celle de Marrakech qui est une initiative privée, ainsi que celle de Rabat soutenue par les pouvoirs publics. A propos des grandes expositions, elle estime qu’il n’y a «pas de rayonnement hélas». D’après elle, il est question de «créer une modernité marocaine». «Les artistes aujourd’hui rayonnent beaucoup. La diaspora marocaine a aussi un rôle à jouer pour ce rayonnement. Il s’agit en outre de délivrer une vision d’une société multiple qui n’a pas peur de se regarder», poursuit-elle. De même, elle donne l’exemple de la biennale de Venise à laquelle le Maroc n’est pourtant pas présent. «J’aime montrer le Maroc tel qu’il est avec ses complexités et sa jeunesse active», révèle-t-elle.

Le cas Corée

De son côté, l’ambassadeur de la République de Corée au Maroc, Keeyong Chung, estime que la culture du soft power a «des bases matérielles». «Nous avons aussi notre hard power», enchaîne-t-il. Le diplomate saisit son passage pour s’exprimer sur la technologie qui «carbure la culture et vice-versa». «Il y a un investissement et nous avons énormément fait cela», ajoute-t-il. De même, il rappelle que la musique en streaming a augmenté de 45% pendant la Covid. «Le soft power n’est pas sans problèmes», avance-t-il en fixant trois éléments du soft power, à savoir la culture, la politique et les valeurs. «Nous avons de forts héritages culturels, c’est ainsi qu’on peut travailler ensemble. Nous avons besoin d’une histoire.

Nous allons vous aider à restaurer votre héritage», ajoute-t-il à propos des relations entre la Corée et Maroc. A cet effet, il cite la collaboration avec l’artiste Najia Mehadji qui travaille avec des pinceaux coréens ainsi qu’avec le ministre de l’agriculture. «Mais des choses doivent être faites par des Marocains», avance-t-il. Quant à l’homme politique français Julien Dray, il estime qu’il n’y a pas de culture sans uniformisation culturelle. «L’enseignement culturel permettait d’ouvrir à la pratique culturelle», ajoute-t-il en mettant l’accent sur les questions politiques. Pour lui, il ne pourrait être question de soft power si celles-ci ne sont pas abordées. «Le mécénat c’est sympathique mais cela a des limites. Le défi c’est comment éviter que le modèle culturel ne soit pas écrasé», conclut-il.

 

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