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A la une : Arts plastiques : les ficelles d’un business

© D.R

Les mentalités ont-elles évolué au Maroc ? « Dans le passé, pour décorer sa maison, on investissait dans les tissus ou le cristal ou encore la porcelaine. Aujourd’hui, la tendance est plus à l’acquisition des tableaux », nous dit Hicham Daoudi, fondateur de la Compagnie marocaine des œuvres et objets d’art (CMOOA), principale maison de vente aux enchères au Maroc. « On a une réponse très positive », se réjouit encore Mme Patricia. Membre de la Fondation Eldon and Choukry, Mme Patricia précise que les clients varient entre hommes d’affaires et citoyens normaux, sachant que les objets d’art mis aux enchères se situent entre 350.000 et 3000 dirhams.
« Tout le monde y trouve son compte », indique-t-elle. Parmi les objets proposés, on trouve des tableaux, des horloges, des meubles, des colliers, des bracelets, etc. L’acquéreur a donc le choix entre les articles mis en vente, chacun selon ses préférences mais aussi et surtout ses moyens.
Or, voilà d’où vient la surprise. « Les Allamates », toile de l’orientaliste Majorelle, a été vendue à un prix jusqu’ici jamais égalé : un million quatre cent cinquante mille dirhams! Le 26 mars 2005, jour auquel a été réalisée cette vente par la CMOOA, a fait date. Il s’agit du pic le plus élevé depuis la mise en place, pourtant encore très jeune, des ventes aux enchères au Maroc. Une pratique qui date à peine de trois ans mais dont le succès est aussi vertigineux qu’impressionnant. Ce succès s’explique-t-il réellement par l’évolution des mentalités ou est-il un simple feu d’artifice ?
Il serait d’abord erroné d’expliquer ce succès en dehors du contexte où évoluent les arts plastiques au Maroc. Les beaux-arts suscitent un intérêt remarquable chez les Marocains. Nombre de citoyens s’intéressent aux expositions, font le déplacement dans les galeries d’art pour, sinon acquérir des tableaux, du moins les apprécier. Les galeristes, en tout cas la plus part d’entre eux, ne l’entendent pas de cette oreille. Mais s’ils ont généralement de quoi se plaindre, c’est de l’absence d’une aide publique qui tarde à venir. En effet, les galeristes réclament auprès du ministère de tutelle un « statut » reconnaissant aux galeries leur utilité publique. « Les galeries ne doivent pas être considérées comme des entreprises commerciales », s’indigne un responsable de galerie casablancais.
Seulement voilà, « les artistes, de leur côté, estiment que les galeries ne remplissent pas leur mission comme il se doit, laissant à l’artiste la charge des préparatifs (cartons d’invitation, affiches, encadrements, contacts avec les journalistes) », relève une enquête réalisée récemment par Ahlam Lemseffer. Il en ressort que « les artistes sont poussés à réagir ainsi pour combler le vide et rentrer dans leurs frais », peut-on lire dans l’enquête. Et puis, les artistes qui veulent exposer trouvent très élevé le taux, allant de 40 à 50%, prélevé par les galeries privées sur les ventes réalisées.
Un taux supérieur à celui-là même qui est requis par les maisons de vente. La responsable de la Fondation Eldon and Choukry nous dit prendre chez l’acheteur 17,5% pour une vente de 150.000 dirhams. Pour Mme Patricia, ce taux reste d’autant plus raisonnable que les maisons de vente aux enchères doivent prendre en charge les frais de l’authentification des objets d’art, en ayant généralement recours à des experts internationaux, de l’estimation aussi de leur valeur, de leur médiatisation, sans oublier l’opération de vente. « Pour un tableau, une expertise coûterait entre 15.000 et 20.000 euros », d’après Hicham Daoudi. Pour le fondateur de la CMOOA, le recours à l’expertise est incontournable . « Faire appel à un expert de renommée est primordial dans une vente aux enchères, car il offre des garanties de rigueur et de sécurité dans les transactions », indique-t-il.
Maintenant, sur le point de savoir comment ces maisons de vente acquièrent les objets d’art, trois lettres, connues dans le jargon des maisons de vente, sont évoqués : Divorce, Dette, Décès.
Le marché, si florissant soit-il, doit encore compter avec la pénurie des œuvres de valeur à mettre en vente, sachant que le Maroc, qui a toujours été une source d’inspiration pour de grands orientalistes, a perdu les traces de plusieurs œuvres telles que des Delacroix, Matisse, pour ne citer que ces derniers.

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