Rarement film aura autant divisé les cinéastes. Tout a commencé samedi soir, le froid qui tombait sur Tanger contrastait avec la chaleur, voire la vivacité des débats qu’a suscités le film «Marock» de Leïla Marrakchi. Pour certains, ce film «porterait atteinte à l’image du Maroc», parce que soi-disant il n’aurait pas pris en considération «les valeurs traditionnelles» et la «sensibilité» musulmane des Marocains. Or, en quoi ce film choquerait cette sensibilité ? La question fera l’objet d’un vif débat au lendemain de la projection, à la salle des conférences de l’hôtel Chellah.
Là-bas, la température allait monter d’un cran. L’intervention du réalisateur de «A Casablanca, les anges ne volent pas», Mohamed Asli, a surpris les festivaliers. Le Tanit d’or du Festival de Carthage est allé jusqu’à contester à ce film un simple «droit de cité» au huitième Festival national du film de Tanger. Pour ce cinéaste, le film incriminé aurait sa place plutot dans des festivals internationaux. Ce qui a nécessité une mise au point très énergique et clair de la part du président du FNF, Noureddine Sail. Le responsable de cette manifestation a pris la défense de Leïla Marrakchi, et surtout du droit de tout Marocain, d’ici ou d’ailleurs, à la liberté d’expression.
L’intervention du président du Festival a été accueillie avec un grand soulagement, puisque de nombreux festivaliers n’ont pas apprécié une sortie «inquisitoriale» sur une œuvre dont le seul tort est d’avoir tout simplement évoqué la première histoire d’amour d’une jeune fille aux prises avec les traditions de son pays. Pour la petite histoire, une Casablancaise de 17 ans, «Rita» de son nom, tombe amoureuse d’un Juif marocain. Cette relation n’est pas pour plaire à sa famille, notamment à son grand frère pour qui «l’avenir passe par un retour aux valeurs raditionnelles». L’héroïne, à l’instar des adolescents de son âge, a de la peine à composer avec la vision rétrograde de sa famille. Ce film ne fait que tendre le miroir à une réalité qui existe bel et bien, au Maroc ou chez les familles marocaines immigrées. Par ce film, Leïla Marrakchi invite simplement sa société d’origine à se regarder en face, sachant bien que la guérison de tout mal commence d’abord par l’identifier et l’admettre.
Mais passons, s’il faut bien regretter cette sortie contre le film de Leïla Marrakchi, elle garde tout de meme le mérite de susciter la réflexion sur la question de l’éducation dans un pays en transition vers la modernité, permettant à ceux qui nous servent d’intellectuels de sortir d’une longue léthargie. Au-delà du film «Marock», d’autres longs-métrages en compétition ont suscité l’intérêt des cinéphiles. Dans la catégorie longs-métrages, «Mémoire en détention» de Jilali Ferhati a toujours les faveurs des pronostics. Dédié aux victimes des années de braise (les seventies), ce film est également porté par de très fortes et tres belles images.
Son réalisateur, qui apparaît aussi dans le film avec un personnage interprété avec brio, «Mokhtar», un ex-détenu devenu amnésique, a signé avec «Mémoire en détention» un chef-d’œuvre incontesté. Dans la catégorie court-métrage, il est difficile de se prononcer, d’autant plus que le nombre des courts en compétition est de 41. Cela dit, nombre de festivaliers ont souligné l’originalité, entre autres courts métrages, de celui de Jamal Souissi «Cadeau» et «Faux pas» de Lahcen Zinoun.