Culture

A la une : Pourquoi les Marocains boudent les livres

Abdelkader Retnani (Editions- Eddif)
Ce n’est pas toujours vrai. Les éditeurs ne sortiront pas de livres, si les Marocains ne lisent pas. Ces derniers aiment tout ce qui concerne leur Histoire parce qu’il y a très peu de livres sur l’Histoire marocaine qui sont sortis ces six dernières années. Il y a aussi les romans qui sont prisés par les Marocains, surtout quand ces romans, ou autres essais, parlent de la société marocaine pour briser certains tabous. Je pense à l’essai « Au-delà de toute pudeur » de Nouâmane Guessous (44.000 exemplaires vendus sur dix ans) et, à moindre échelle, au roman « Ma vie, mon cri » de Rachid Yacoubi (7.000 exemplaires vendus sur trois ans).

M’Barek Rabi (écrivain)
Vu le nombre de livres édités et le pourcentage de consommation de ce produit, on se rend compte que, en fait de lecture, nous sommes mal classés. Les seuls livres qui se vendent, paraît-il, sont des livres de gastronomie ( !) Les livres littéraires, eux, peinent toujours à trouver preneur. Cela est dû au manque d’éducation à la lecture, à l’école, en famille et plus largement dans notre société.

Rachid Chraïbi (Edition Marsam)
Le problème n’est pas d’aimer ou de ne pas aimer la lecture. A mon avis, il est question de manque de moyens. Moins le livre est cher, et plus il y a de lecteurs. A titre d’exemple, « Le ralliement. Glaoui mon père », édité par Marsam, s’est vendu à 15.000 exemplaires. De ce chiffre, on peut tirer deux enseignements : il y a d’abord le prix (60 dhs pour 400 pages) et, ensuite, il y a la thématique traitée. Il s’agit d’un témoignage de l’un des acteurs de l’Histoire récente du Maroc, en l’occurrence Abdessadeq El Glaoui qui parle de son père, de la crise du Maroc des années cinquante… Et puis, il y a un autre motif de lecture : quand le sujet est important, quel que soit le prix, le lecteur achète.  En amont, rien ou presque n’est fait pour encourager la lecture. Le ministère de l’Education nationale est appelé à prendre certains livres marocains pour les intégrer dans les programmes des écoles, cela est de nature à favoriser la lecture et obtenir des prix compétitifs. Pour notre part, on est en train de penser, avec la société de distribution Sochepress, à lancer la Collection Poche pour les livres littéraires marocains. Ces livres se vendront entre 10 et 20 dirhams.

Leïla Chaouni (Editions- Le Fennec)
Au départ, on a été dans des écoles où il n’y avait pas de pratique de lecture. On est arrivé à un âge où on s’est rendu compte de l’importance de la lecture. Et on essaye de ne pas commettre les mêmes erreurs de ceux qui étaient avant nous. Reste maintenant à savoir quel genre de livres les Marocains aiment lire. D’après notre expérience, les Marocains préfèrent lire des livres en prise sur leur réalité. A ce propos, un livre intitulé « Les Plantes médicinales du Maroc » s’est vendu à 27.000 exemplaires.

Nourdine Afaya (chercheur)
La femme marocaine n’a pas l’habitude de lire et de s’intéresser au livre. C’est à travers elle que les valeurs, les contes, les histoires, les idées, les principes se transmettent. Bien sûr, l’homme a un rôle dans ce travail de transmission mais la femme principalement dans les sociétés évoluées comme l’Allemagne, la France et les pays scandinaves battent des records de consommation de l’écrit.

Bensalem Himmich (écrivain)
Quand je pense aux années 70, l’âge d’or de la production littéraire, j’ai maintenant de la peine à imaginer comment les choses aient pu mal tourner. D’une part, il y a cette désaffection hallucinante à l’égard du livre. Cela me fait de la peine de constater que le livre est complètement hors du champ de perception des élèves, que ces élèves ne pensent qu’à rabâcher les livres scolaires en vue d’empocher à la fin de l’année des diplômes qui ne valent d’ailleurs plus rien. Il y a un travail à mener à la base de l’enseignement, primaire s’entend, pour inculquer aux élèves l’amour de la lecture.
D’autre part, il y a la qualité des livres que l’éditeur publie. Il s’agit généralement de « livres jetables ».

Mohamed Loakira (poète)
La question est plutôt de savoir comment notre société est devenue une société de non-lecteurs. Même les gens qui ont fait des études très poussées sont devenus des non-lecteurs. Le  livre est considéré malheureusement comme un produit de luxe. Et les librairies, comme des temples, et les bibliothèques, comme des magasins. Le livre n’est pas considéré comme une activité publique. Pour s’en rendre compte, il suffit de voir des voyageurs dans un train ou dans un auto car, des désœuvrés dans un café…  L’apprentissage de la lecture, même s’il est pratiqué au sein de l’école, n’est pas poursuivi dans l’environnement extérieur, d’autant plus que nous n’avons pas réellement de politique claire, militante concernant la promotion du livre. Ceci dit, il y a actuellement des actions, que ce soit auprès du ministère de tutelle, de quelques éditeurs, de quelques libraires et de quelques associations qui nous donnent espoir…

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