ALM : Comment est née l’idée de votre ouvrage «Au fil des livres. Chroniques de littérature marocaine de langue française» ?
Abdellah Baïda : L’idée est née d’un constat, celui d’un manque d’ouvrages traitant de la littérature contemporaine. La plupart des ouvrages portent sur des noms connus. Rares sont ceux consacrés à des écrits récents. C’est pourquoi j’ai choisi de parler, dans mon livre, des auteurs qui ont marqué les cinq dernières années.
Pourquoi s’être limité à cette période ?
Comme je vous ai dit, très peu d’études portent sur des ouvrages qui viennent d’être publiés. On attend toujours qu’un auteur décède ou soit primé pour lui rendre hommage ou parler de lui. Mais dans mon ouvrage, j’ai opté pour l’inverse de la démarche. J’ai même parlé d’auteurs qui ne sont pas connus parce que j’ai trouvé une esthétique chez eux.
Quel regard portez-vous sur ces écrits à travers votre ouvrage ?
Mon point de vue est assez subjectif. Il ne s’agit pas d’une étude académique, mais d’une approche impressionniste d’une trentaine de livres que j’ai appréciés et sélectionnés en fonction d’un certain nombre d’aspects intéressants.
Qu’est-ce qui vous a marqué dans ces travaux ?
Il y a la création littéraire, voire toute une vision de notre société. La conclusion de mon travail consiste dans le fait que j’ai essayé de trouver des points communs entre ces auteurs pour les rassembler dans un ouvrage.
Qui sont ces auteurs ?
Je citerai l’exemple de la littérature carcérale, notamment chez Jaouad Mdidech dans «Vers le large». J’ai également parlé de Tahar Ben Jelloun dans «Cette aveuglante absence de lumière», Mohamed Loakira dans «L’Inavouable», Abdelhak Serhane avec «La Chienne de Tazmamart» et bien d’autres. C’est une chose qui a marqué la société marocaine et qu’on retrouve dans la littérature.
J’évoquerai aussi la montée de l’intégrisme religieux traitée par Mahi Binebine dans «Les Etoiles de Sidi Moumen», El Mostafa Bouignane qui a écrit le roman «La Porte de la chance». D’autres écrivains ont parlé de cette dimension comme Mohamed Nedali dans «La Maison de Cicine».
J’ai constaté que certains écrivains sont difficilement classables. Je pense essentiellement à Mohamed Leftah, décédé en 2008, qui vient de recevoir le prix de La Mamounia pour son roman posthume «Le Dernier combat du capitaine Ni’mat». C’est une publication qui a été censurée parce qu’elle traite de l’homosexualité. Il s’agit d’une écriture un peu à part, je considère cet auteur comme l’un des plus grands écrivains et c’est intéressant de le faire connaître.
Je citerai également Abdelfettah Kilito qui a écrit «Une Étrange familiarité». Aux yeux de cet auteur, il y a une littérature arabe classique qui est familière mais elle est assez étrange, il a essayé de nous rapprocher de cette culture que nous ne connaissons pas.
Qu’en est-il de la poésie ?
Sur le plan quantitatif, le roman est dominant. Par conséquent, je n’ai pas consacré une grande partie à la poésie. Bien que j’aie parlé, entre autres, de Rachid Khaless dont le recueil est, à mon sens, écrit différemment.
Un dernier mot…
Je dirai que j’ai dédié mon ouvrage à Edmond Amran El Maleh. Par la même occasion, la date anniversaire de sa mort a été commémorée mardi 15 novembre. Le défunt était exigeant quant au choix des écrits, il me faisait beaucoup de remarques à ce propos. Et quand il arrivait à me convaincre, je n’hésitais pas à introduire des modifications dans mon livre.n