Culture

Abdelmajid Saâdallah : «Mes souvenirs à Derb Sultan me font pleurer et rire à la fois»

© D.R


ALM : Que représente pour vous le quartier Derb Sultan ?
Abdelmajid Saâdallah : Pour moi, Derb Sultan symbolise mon adolescence, mes amours, mes premières études, mes folies, mon apprentissage en politique et en art. Bref, toute ma vie et ma mémoire. Derb Sultan est un monde à part, cosmopolite. Pour moi, ce quartier c’est Paris, Londres, Harlem, Venis, etc. Derb Bouchentouf, c’est mon quartier latin, c’est Barbes, c’est Le Caire, c’est le Boulevard Al Hamra du Liban, c’est mon Moulin rouge, c’est le Louvre. C’est aussi l’Amérique étant donné qu’à l’Ermitage, il y avait de la verdure et du sable et qu’on appelait le Chili. C’est aussi la Suisse, à travers le grand jardin de «Mardokh» et les fermes de «Oukacha» près de Derb El Kabir. Derb Sultan, c’est également le Mississippi, étant donné que l’oued «Oukacha» prenait sa source du «Koreâ» et passe par le quartier Derb El Kebir et Idrissia.

Quels sont les souvenirs que vous gardez de ce quartier?
En réalité, je garde des souvenirs de Derb Sultan qui me font pleurer et rire à la fois. Je me rappelle du jour où le directeur de l’école Bouchentouf m’a giflé parce que je me suis attardé d’une minute. Chaque dimanche, je passais ma journéé à écouter «le conteur» à la place désertique de Koreâ. Pendant les vacances, je gambadais les rues à ramasser les noyaux des habricots et les bouteilles, pour les vendre au souk «Zmia». Je me rappelle aussi qu’un jour, j’ai suivi un groupement d’hommes en 1965 alors que j’avais à peine 11 ans. J’imitais les jeunes, je criais, j’insultais et je cassais les vitres des établissements publics. Au Garage Allal, j’ai assisté à une réunion politique et j’ai salué Abderrahim Bouabid. Il m’ a embrassé sur les joues croyant que j’étais le fils de Mohamed El Mansour, un grand résistant. Je me rappelle également que pendant les émeutes de l’année 1981, un camion bleu de la police nous a éclaboussés et a jeté sur nous l’eau de couleur rouge.

Est-ce que vous gardez toujours des liens avec Derb Sultan ?
En fait, chaque week-end je me rends à Derb Bouchentouf pour rendre visite à ma sœur. En plus, chaque mercredi, je visite «Koreâ» au souk Eddabbane pour acheter des pièces anciennes, chercher de la brocanterie et dénicher des accessoires pour le théâtre.

Pensez-vous que Derb Sultan garde toujours son identité ?
Absolument pas, tout a changé dans ce quartier. Les couleurs des visages des gens sont devenues jaunâtres. Les maisons et les quartiers sont devenus sales, l’espace est devenu morose, le climat est noir et on ne respire plus que la fumée. En plus, les gens aujourd’hui sont agressifs. Il y a beaucoup de jeunes chômeurs. Les maisons des jeunes de Bouchentouf-Sidi Maârouf sont quasiment vides. Les vendeurs ambulants envahissent les quartiers. Les citoyens effacent la mémoire du quartier, même les portes en fer remplacent les anciennes portes en bois. Des quartiers calmes sont devenus des ateliers de peinture, de soudure, de cuir et de menuiserie. La mémoire artistique du quartier est ensevelie. L’école de Bouchentouf ressemble désormais à la prison d’Alcatraz car son architecture mémoriale est défigurée.

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