Culture

Abdennour Bouyahyaoui donne libre cours aux âmes pures

© D.R

La foi peut-elle avoir une couleur ? Elle en a plutôt dans le roman de l’auteur marocain Abdennour Bouyahyaoui. En attribuant un ton à cette croyance, il fait valoir une «motivation purement stylistique». Pour mieux expliciter sa démarche, l’écrivain puise son fondement dans le personnage féminin principal de son œuvre. A travers cette protagoniste, il opère un jeu d’opposition entre la foi de celle-ci et ses antagonistes dont certains ont, comme le laisse voir la lecture du roman, des intentions sournoises voire obscures.

Couleur de liberté
«J’ai été tenté par une sorte d’antithèse en opposant délibérément la foi turquoise d’Amina à la foi sombre des réfractaires», précise l’auteur pour étayer la raison du choix de cette couleur. Pour lui, le turquoise ne manque pas d’évoquer l’océan, avec ses golfes paradisiaques et son ouverture sur l’espace ample et infini. «Aussi, cette couleur acquiert-elle à mes yeux le statut de métaphore, faisant valoir son faste certain et rimant plus qu’aucune autre couleur avec la fée Liberté. Elle devient dès lors synonyme de grandes espérances en un futur serein et meilleur», exalte-t-il. Aussi, cette liberté s’étale visiblement aux rapports humains entre les deux personnages, Amina et la juive Anaëlle, puisqu’il est également question, dans l’œuvre, de lesbianisme. Une thématique rarissime en littérature marocaine. «Mon texte n’a nullement la prétention de traiter plus avant ce sujet tabou.
D’ailleurs, ce dernier n’y figure qu’à deux reprises. La première, lorsque Anaëlle en fait la révélation à brûle-pourpoint ; la deuxième, quand, dans un moment de réflexion enfiévrée, Amina tente d’analyser sa relation d’amitié avec Anaëlle, qu’elle a désormais du mal à recadrer», détaille l’écrivain. Cette scène est, selon ses dires, une sorte d’invitation à débattre de la question des frontières entre les convictions et penchants d’un individu, d’une part, et l’attitude sociale juste à observer à son égard – à la lumière du cumul de l’expérience humaine-, d’une autre part. «Personnellement, je me demande souvent s’il n’est pas grand temps de remettre au goût du jour bon nombre de nos principes moraux. Chose qui, à mon sens, réduira énormément les cas d’exclusion et de tension, et conférera au quotidien plus de cohérence et d’efficacité», avance-t-il. Une remise en question qui concerne également, dans le roman, les relations entre individus de fois différentes.

Coexistence entre religions
Dans l’intrigue, l’auteur met en avant une belle coexistence entre religions. Ce qui n’est pas le cas dans le vécu. Comme il le rappelle, les sentiments d’animosité, voire de haine meurtrière, entre personnes de confessions différentes sont, hélas, une réalité. «Cependant, l’action humaniste des intellectuels de par le monde et d’organismes divers, conjuguée à une prise de conscience, toujours grandissante, chez les générations actuelles, plus instruites que les précédentes et plus sensibles aux valeurs du vivre en commun, apporteront probablement le contrepoint nécessaire pour inverser la tendance.
A cet effet, il faudra repenser l’éducation et l’asseoir sur des bases nouvelles prônant, en premier lieu, l’acceptation de l’autre et le dialogue constructif», commente l’écrivain dont le roman est garni de fiction. C’est le cas de l’histoire du parchemin déterré à Lisbonne, des péripéties tragiques vécues par les deux amis andalous, Abdessalam Arrazan et Issac Ben Shashou. «Cela fait office de fresque empreinte de poésie, à travers laquelle j’ai essayé de dépeindre les splendeurs de l’amitié quand celle-ci, passant outre les considérations vulgaires, trouve à s’épanouir au-delà de toute mesure», ajoute-t-il. De quoi mieux illustrer cette coexistence dans l’œuvre qui raconte également des faits dans l’intrigue. Des événements qui ont gâché la vie de plusieurs personnes à la fois. «C’est véritablement une histoire dans l’histoire, à travers laquelle j’ai tenu à objectiver ma stigmatisation de l’arbitraire. Car celui-ci n’est pas le monopole des seuls fondamentalistes.
En effet, certaines personnes, en apparence acquises aux valeurs du civisme et du modernisme, sont en réalité autant nuisibles à la société que les bigots réfractaires à toute forme de concession et d’entente», avance l’écrivain. Comme il l’indique, cette histoire parallèle lui a également offert le prétexte de décortiquer plus l’amitié liant Amina à Anaëlle, de l’étoffer et d’en expliciter la substance subtile et quasi idyllique.

Un dénouement inattendu
Au fil des pages, le lecteur ne s’attend pas à la mort d’Anaëlle qui est, pour l’auteur, pareille à une note mirifique dans une cacophonie sociale. «Elle a été trop belle, trop délicate, trop pure pour continuer à écumer les ruelles de Casablanca. Tout comme une étoile filante, donc, elle a illuminé le quotidien de ses amis un moment avant de s’éteindre au terme d’un acte héroïque. Mais sa magie a perduré même après sa mort, puisqu’elle a pu insuffler à Amina, alors agonisante, l’inspiration de mourir en paix», s’exprime l’écrivain qui a un autre projet. Ainsi, il travaille sur un roman racontant les déboires psychiques d’une juive, une rescapée du camp d’Auschwitz, soupçonnée d’avoir commis un crime. L’enquête est menée par un inspecteur d’origine algérienne, un Harki. Car le plus clair de la police parisienne est mobilisé par les événements de 1968. L’enquête débouche sur un amour chaotique et sur des questionnements d’ordre identitaire, exacerbée par les remords et les doutes. Une histoire vivement attendue.

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