Culture

Abderraouf comme au bon vieux temps

© D.R

En 1967, Abderrahim Tounsi fait sa première apparition sur le petit écran sous les traits de Abderraouf. En 2001, les téléspectateurs de 2M auront, pour la dernière fois, l’occasion de rire aux facéties de l’homme au serwal, gilet et tarbouche. Depuis, il a le sentiment d’être « entré dans le coma » : c’est ainsi qu’il qualifie son éloignement du public éminemment populaire, celui de la télévision.
Aussi, lorsqu’il apprend que le Souverain va lui décerner une décoration, le Wissam d’Al Moukafaâ Al Watanaya de l’ordre de commandeur, Abderrahim Tounsi a tout d’abord le sentiment de revivre : «Je ne m’y attendais vraiment pas !». Il y avait bien eu, au mois de janvier dernier, l’hommage du quotidien «L’Opinion». Aux côtés de Abdelaâti Amenna, de Abdeljabbar Louzir et de Salah Charqi, monuments nationaux de l’humour et de la musique et sous les applaudissements d’une soixantaine d’artistes invités pour la circonstance, Abderrahim Tounsi avait vu sa carrière enfin honorée.
«Je suis infiniment reconnaissant à L’Opinion de m’avoir toujours soutenu, souligne Abderrahim Tounsi, mais lorsque c’est SM le Roi lui-même qui me dit à quel point il estime ce que j’ai accompli, je me sens prêt à reprendre la route comme au bon vieux temps !»
Le bon vieux temps … Il a 18 ans lorsqu’il se lance passionnément dans le théâtre. Mais la vie d’artiste ne nourrit pas son homme et il finit en 1962 par entrer à la SOMACA. A la grande contrariété de ses camarades de scène, Mohamed El Bidaoui et Mustafa Moustaïd, qui lui reprochent de ne pas être assez disponible pour les spectacles et les tournées. Alors Abderrahim prend la plus grande décision de sa vie : il démissionne et se lance corps et âme dans le spectacle.
Il fonde en 1975 la deuxième agence de spectacles du Maroc. De comités d’entreprises en villages de campagne, de salles de quartier en théâtres plus ou moins huppés, Abderraouf et sa troupe font le tour du pays.
Avec d’inoubliables heures de gloire. Au lendemain d’une offensive du Polisario dans la région, il décide de pousser jusqu’à Tan Tan une tournée dans le sud du Royaume. Grâce à l’aide des autorités et de l’armée, il réussit à vendre 1400 places sur deux soirées : «Nous avons rendu la vie à la ville ! Après les spectacles, les gens s’attardaient en ville, les cafés étaient ouverts alors qu’avant notre arrivée, les gens étaient encore inquiets…».
L’année suivante, Abderraouf franchit pour la première fois les frontières du Maroc, pour le plus grand bonheur de nos compatriotes résidant à l’étranger qui le réclament eux aussi à cor et à cri.
Au sommet de sa carrière de comédien ambulant, il revendique cette tournée qu’il propose en 1979 à l’administration des Forces Armées Royales : «C’était au plus fort de la guerre contre le Polisario, il y a avait des risques réels à s’aventurer dans certaines zones, mais nous étions pris par la ferveur du théâtre. Je suis fier d’avoir donné un peu de bon temps aux soldats du front…»
Mais petit à petit, la famille des humoristes marocains s’élargit. Abderraouf doit compter avec une concurrence de plus en plus vive et le personnage voit son public se raréfier.
Jusqu’à ce que même la première chaîne de télévision, qui jusque-là lui assurait un minimum de visibilité, finisse par se désintéresser de lui. C’est ainsi que « El aâti Allah », une pièce enregistrée en 1986 pour le compte de la TVM, n’a toujours pas été diffusée…
Mais Abderrahim Tounsi est trop amoureux de son art pour se laisser abattre.
Il a 70 ans, c’est vrai, mais c’est avec un enthousiasme intact qu’il s’est lancé récemment dans une nouvelle aventure artistique. Il a accepté le rôle principal que lui proposait Leïla Triki dans son film «La bicyclette de Ba Larbi» qui sera diffusé pendant le Ramadan sur 2M. «Au début, j’étais un peu stressé d’avoir à interpréter un personnage réaliste, loin des repères tracés depuis longtemps avec Abderraouf.
Mais très vite j’ai constaté que je faisais rire les techniciens, la réalisatrice et même le chef opérateur italien ! Je ne remercierais jamais assez Leïla Triki pour la formidable complicité qu’elle a su nouer avec moi !»
Sa médaille de Commandeur sur la poitrine, son interprétation du personnage de Ba Larbi en confirmation de son immense talent, Abderrahim Tounsi témoigne aujourd’hui de son bonheur et de sa fierté : «La sympathie que me vouent aujourd’hui la majorité des Marocains me comble, surtout à la pensée qu’après ma mort, autant de gens prieront pour le salut de mon âme et de celle de Abderraouf, mon double, leur ami…»

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