ALM : Que représente pour vous Derb Sultan?
Amina Barakat : Derb Sultan est une expression qui a une grande valeur. D’ailleurs le mot Sultan indique une personne sacrée et à qui on doit tout le respect. J’ai de la chance d’être issue de Derb Sultan. Car c’est un quartier qui a vu naître un grand nombre d’artistes et de personnalités éminentes. C’est aussi un quartier populaire où plusieurs grandes familles continuent à vivre en harmonie. J’habite encore à Derb Sultan et j’en suis fière. C’est ici où j’ai passé mon enfance et toutes les étapes de ma vie. Et c’est dans ce quartier où mes frères et sœurs sont nés et ont grandi. Pour ma part, j’ai choisi d’être une artiste issue de Derb Sultan. Grâce à ce quartier, on peut se souvenir de nos agréables moments que l’on a passés. Des moments qu’on n’a pas pu partager nulle part ailleurs. A Derb Sultan, la sympathie règne au sein des familles. Chacun vient en aide aux autres pour le meilleur et pour le pire. C’est ce qui permet au quartier d’avoir ses propres caractéristiques.
Quelles sont ses propres caractéristiques ?
Parmi les caractéristiques de ce quartier, l’ambiance qui y règne aux différentes occasions tout au long de l’année. Par exemple, à la fête de l’Achoura, les habitants continuent à asperger leurs voisins d’eau. Les habitants du quartier ne manquent pas aussi de partager les moments de tristesse avec leurs voisins en cas de perte d’un être cher.
Quel est le plus beau souvenir que vous avez gardé de Derb Sultan ?
Je me souviens un jour, quand j’étais enfant, que ma mère avait emprunté un ciseau à voisine. Et lorsqu’elle voulait le lui restituer, elle m’a demandé de le faire. Et en route, j’ai vu une «hdya». Alors, j’ai eu l’idée de suivre le cortège pour danser un petit peu et j’ai carrément oublié de le remettre à notre voisine. Suivant le cortège, un ami de mon père m’a vue en train de danser. Le soir, il a rencontré mon père et lui a raconté ce qu’il a vu. C’est vraiment inoubliable. Mais la meilleure chose qui m’est arrivée à Derb Sultan, c’est l’initiation au théâtre. Car ce quartier abritait ma première école: la troupe El Badaoui. Il était très important pour moi d’assister chaque soir aux répétitions même au Ramadan.
Est-ce que vous avez gardé contact avec vos amis du quartier ?
Tout d’abord, j’entretenais une bonne relation avec les habitants du quartier. Il y en a ceux qui ont déménagé et ceux qui sont morts. Quant à moi, je me suis habituée à mon quartier.
Quand je déambule dans ses petites ruelles, je me sens très heureuse. D’autant plus que l’ambiance qui y règne pendant le mois de Ramadan est particulière. Et comme vous lesavez, les mentalités ont changé avec le temps, alors le contact a été rompu avec les gens qui ont quitté le quartier.
Est-ce que le quartier a gardé son identité à vos yeux ?
Malheureusement, on a tendance à voir des choses lamentables à Derb Sultan. C’est un très beau quartier où chaque coin a sa propre histoire. J’aime tellement ce quartier que je ne veux pas le quitter.