Culture

Artistes dans l’âme, mais inconnus

© D.R

Casquette, tee-shirt et jean. Les jeunes de Hay Mabrouka à Sidi Othman (Casablanca) ressemblent à tous les autres, sauf qu’à y chercher un peu plus près, on découvre en eux quelque chose de différent. Un désir exceptionnel dans chacun d’eux de croquer la vie, en profiter à fond. «Nous sommes presque tous des chômeurs, mais cela ne nous empêche pas de puiser la source de nos talents», explique ce jeune. Non, ils ne veulent pas que le chômage devienne une obsession collective dans le quartier surtout celui de Mabrouka: «Vous savez, c’est très important pour nous de nous débarrasser de cette étiquette de quartier marginalisé. Nous avons, donc, pensé que ce serait une bonne idée de réunir nos énergies pour créer quelque chose de commun», confie Abderrahim El Ghofaïri. En quatre mois de travail acharné, depuis le début de l’année, ces jeunes se sont concertés, pris le temps d’évaluer leurs perspectives, de fixer leurs objectifs pour décider enfin d’un projet collectif où chacun pourra se retrouver.
«Nous avons créé, il y a à peine une semaine, une association qu’on a baptisée:  Source des arts», déclare, tout content, Abderrahim. Il est très enthousiaste, comme l’ensemble de ses amis ayant appuyé le projet jusqu’au bout pour ouvrir à tous les jeunes des espaces d’expression. Cela est très important, car, dans ce quartier, les jeunes ont un talent fou pour l’art, tous types confondus: musique, peinture, théâtre.
Les jeunes de Mabrouka veulent faire exploser leurs passions au lieu de se lamenter pour le temps perdu. «Ce n’était pas facile de concrétiser l’association. Il nous a fallu beaucoup d’investissement personnel pour y arriver», lance Oualid El Akhdar qu’on connaît très bien dans ce quartier pour son talent de rappeur.
En fait, Oualid compose lui-même les chansons d’un des groupes les plus célèbres : M-Squad. Les habitués du festival casablancais «L’boulvard» ne l’auront certainement pas oublié. Les jeunes musiciens avaient une fibre originale qui poursuit toujours son chemin d’ailleurs même si le groupe ne fait pas trop parler de lui. «M (Maghreb)-Squad a démarré en 1997, mais n’a pu sortir qu’un seul album qui a coûté aux membres du groupe un minimum de 6.000DH. C’est ça le problème : on n’a pas les moyens!», s’exclame Abderrahim qui, lui aussi, travaille dans le groupe en tant que chanteur lorsqu’on fait appel à lui. A force d’encaisser les coups, ces jeunes ont appris à se battre, à ne surtout pas baisser les bras. M-Saquad n’a pas voulu s’éclipser par besoin d’une satisfaction collective. Sans espaces pour les répétitions, c’est tout simplement pour «le tapage nocturne» qu’optent ces jeunes, quitte à ce qu’ils envahissent tout le quartier avec leur musique branchée.
«Nous avons aménagé sur la terrasse d’une maison, une sorte de petit refuge qui nous sert de salle de répétition. Un tout petit espace meublé de vieux matelas et d’une moquette déchirée et, au mur, une fenêtre qui ressemble plutôt à un trou, juste pour faire entrer l’air frais… On essaie de faire avec, n’est-ce pas Oualid ?», demande Abderrahim.
Son interlocuteur, assis devant lui, sourit en le regardant. Oualid sait de quoi son ami parle, mais préfère rester silencieux avant de résumer les choses simplement: «Les conditions ne sont pas favorables, mais nous avons toujours tenu à poursuivre notre chemin».
Une leçon de vie. Oualid, le rappeur, qui suit un stage d’infographiste, préfère plonger dans ses petits papiers pour créer des compositions. C’est un mordu du rap qu’il défend de tout son cœur et son âme «J’y baigne depuis l’âge de 7ans. Mon oncle était un mélomane et m’a initié au rap», dit-il. Attention, le rap dont parle les M-Saquad est 100% marocain et les mots qui s’y trouvent ne sont pas vulgaire comme on le supposerait. En tout cas, Abderrahim et Oualid tiennent à le souligner en affirmant que les compositions prennent toujours en considération le respect des autres et que les mots sont donc soigneusement choisis pour cela. M-Saquad a, en majeure partie, assuré son succès grâce à cet engagement.
A présent, il veut aussi assurer son come-back en célébrant son dixième anniversaire au mois d’août, comme le confie Abderrahim : «Nous allons lancer un nouvel album, à l’occasion du 16 mai, avec encore de l’originalité…». Oualid l’arrête en lui rappelant qu’il ne faut rien dire, pour le moment : «C’est une surprise. Il ne faut pas révéler le secret!». Un cadeau à la M-Squad dont vous découvrirez le fond une fois l’album prêt.
Au quartier Mabrouka, l’association «Source des arts» veut porter la voix de ces jeunes artistes. Ils sont nombreux, très nombreux à avoir une belle voix, un don pour la musique, la peinture, la poésie, la prose, la comédie… «Il y a une cinquantaine de jeunes artistes chez nous sans oublier ceux qui ont des dons pour d’autres domaines comme l’informatique. Des potentialités pour lesquelles nous pourrions servir de catalyseur», affirme Abderrahim.
Aider suppose de répondre à la question cruciale «comment ?». Abderrahim ne se concède pas le temps d’y réfléchir : «Nous avons des projets qui dépassent peut-être nos capacités. Mais, pour rester rationnel, nous comptons énormément sur les partenariats, sur les autorités locaux, sur les élus. Le président de l’arrondissement de Sidi Othman s’est montré prêt à nous soutenir pour que l’association puisse apporter ses fruits et nous l’en remercions vivement», explique ce jeune.
Une exposition itinérante à travers les locaux des municipalités pour faire découvrir les œuvres des jeunes artistes.
C’est l’un des projets que défend «Source des arts» où l’on veut transmettre un message clair : «Les arts doivent être pris en considération par les politiques, les élus. Il en serait temps, d’autant que nos sources en la matière sont inépuisables et les jeunes ont bien besoin de les montrer», martèle Abderrahim.
Le premier pas de la mise en place a été accompli. A présent, c’est l’engagement de tous qui fera avancer la locomotive. Bon courage pour nos jeunes !

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