Vos critiques sont nuancées. Vous avez bien montré que les limites de l’ouvrage se justifient par le titre et par les nécessités éditoriales, celles d’un « beau livre ». Les limites chronologiques ou thématiques qui préviennent le lecteur sur la couverture de l’ouvrage marquent, en effet, les difficultés d’envisager l’ensemble de la très riche histoire de cette ville. J’ai pensé, par exemple, que la période 1900-1914 était cruciale et je m’y suis attardé au détriment d’autres faits.
Pour ce qui concerne les périodes plus contemporaines, j’ai demandé à des personnalités françaises ayant participé au mouvement « Conscience Française », qui s’est élevé contre les erreurs de la politique du gouvernement français, de compléter l’appréciation de la ville depuis les années 30. Il s’agissait de comprendre comment on vivait dans Casablanca à différentes époques même si la mémoire est sélective et le milieu social déterminant. Il était naturellement impossible d’évoquer toute l’histoire du Maroc même si les échos de la politique générale étaient forts dans la ville de Casablanca. La statue de Lyautey permettait, par une interprétation critique des inscriptions et des sculptures, de rappeler des éléments de cette histoire coloniale à travers des effets de miroir. S’agissant de la prose de l’époque, il faut aujourd’hui la prendre comme un élément de la compréhension des mentalités, sans évidemment en partager les présupposés discriminatoires.
Pour ce qui est des sources écrites, il faut reconnaître qu’elles sont difficiles à dénicher ; et si les sources figurées abondent, elles ne sont pas souvent datables à l’année près. J’attends comme vous avec impatience que des Casablancais contribuent à leur manière à cette recension des faits d’histoire, du patrimoine oral, en un mot de ces riches traditions casablancaises.
Permettez-moi de rendre hommage aux Marocains en général et aux Casablancais en particulier qui me font l’honneur d’accueillir cette histoire, même sélective, avec bienveillance. J’aime cette ville, et son histoire complexe est fascinante. Vous pensez, sans doute, comme moi qu’il faut donner l’histoire comme âme à la ville. Après avoir croisé nos mémoires, assemblons tous les efforts des amoureux de Casablanca pour qu’un musée d’histoire de la ville soit créé.
• Jean-Luc Pierre