Culture

Au-delà de la musique

ALM : Est-ce qu’il y a eu des défections suite aux attentats de Casablanca ?
Faouzi Skali : Nous n’avons opéré aucun changement dans les différentes manifestations programmées dans le festival. Tout est maintenu suivant les plans qui ont été établis avant les attentats. Que ce soit au niveau du programme artistique, des rencontres ou du festival off, il n’y pas de changement ! Et j’ai été à la fois étonné et rassuré par le nombre de messages de solidarité et de soutien que nous avons reçus après les événements tragiques de Casablanca. Nous ne déplorons aucune défection de la part de nos invités. Leur présence est une réponse cinglante à ceux qui espèrent paralyser la vie en semant la peur.

Il y a des Américains parmi vos invités. Ont-ils demandé des garanties de sécurité ?
Certains ont posé des questions relatives aux mesures de sécurité. C’est normal que les gens s’informent de la situation, compte tenu de la médiatisation des attentats et des craintes qu’inspire le terrorisme. L’écrivain américain Benjamin Barber, qui intervient dans les rencontres de Fès, nous a adressé un mail dans ce sens. Ce n’était pas un message d’excuses, mais d’information. Nous lui avons répondu, et il sera présent à Fès. Benjamin Barber est mondialement connu. Il est l’auteur d’un livre prémonitoire sur les attentats du 11 septembre. Il y explique les connexions entre la mondialisation sauvage et l’émergence de mouvements intégristes ! Ceci pour dire que les différentes rencontres prévues dans le cadre du colloque ne vont pas échapper à l’actualité.

Les rencontres de Fès dotent le festival artistique d’un outil de réflexion…
Oui ! Et elles ne sont pour nous moins importantes que les concerts. Cette année, des intervenants qui ont réfléchi sur les questions qui font peur, aujourd’hui, seront là. Régis Debray ou Tarik Ramadan ont des positions divergentes, mais j’espère qu’ils vont débattre pour produire du sens. Le forum est d’ailleurs conçu comme un lieu de débat et de discussion. Les exposés, à proprement parler, ne dépassent guère 5 mn. Le plus clair des idées formulées viendront des discussions entre le public et les intervenants. Il y a ainsi un grand aspect intellectuel inhérent au festival.

Cet aspect intellectuel dont vous parlez est une évolution de la manifestation par rapport aux premières éditions, ou est-ce qu’il en a toujours été ainsi ?
Depuis le départ, le festival a pour vocation de gérer d’une façon riche l’interaction entre les différentes cultures. Cette interaction ne veut pas dire syncrétisme. Il ne s’agit pas de confronter des cultures différentes, avec comme présupposé la supériorité de l’une d’elles, mais de permettre des rencontres où chacun se retrouve et s’enrichit de l’autre. D’ailleurs, nous n’innovons en rien: les idées que nous défendons correspondent à l’identité du Maroc. Nous tenons en somme à établir des liens entre ce qui singulier et ce qui est universel. Cette préoccupation est indissociable de la réflexion qui a présidé à la création du festival des Musiques sacrées de Fès. Il s’agit aussi d’un lieu de fourmillement d’idées et de concepts pour un meilleur avenir des peuples et des cultures.

Le rayonnement du festival s’accroît dans le monde. Comment expliquez-vous ce succès ?
Parmi les personnes qui viennent à Fès, certaines souhaitent organiser une manifestation semblable dans leur ville. Nous avons établi à cet égard la charte des musiques sacrées de Fès afin de définir et préserver les valeurs dont nous nous réclamons. Cette charte est adressée à d’autres villes dans le monde, soucieuses d’organiser des événements suivant le modèle de Fès. Aujourd’hui, il existe plusieurs manifestations qui s’inspirent de notre modèle : à Dijon (France), Gérone (Espagne), Lisbonne (Portugal), Florence (Italie). Et je viens de signer, le 17 avril, la charte entre le Festival de Fès des Musiques sacrées du Monde de Fès et le Festival de Musique sacrée de Perpignan, et ce en présence des représentants des différentes communautés religieuses de Perpignan. Le modèle s’exporte très bien !
Une grande manifestation est d’ailleurs prévue en 2004  aux Etats-Unis. Elle concerne 20 villes américaines et elle porte le nom de «The spirit of Fes».

Vous ne craignez pas que le festival ne s’engraisse avec autant de succès ?
Non ! il est vivant et mobile, parce que nous ne voulons pas devenir des professionnels de la représentation artistique. Ce festival véhicule un message politique et social qui concerne le devenir de nos sociétés. Il est constamment renouvelé par une réflexion en acte. Chaque année, il y a de nouveaux intervenants, des thèmes nouveaux.  Le Festival de Fès est bien plus qu’une manifestation artistique, c’est un lieu d’émergences d’idées, d’expérimentation. L’un des rares foyers de convivialité, entre des cultures très différentes, dans le monde. Et je dirai même que les gens qui y adhèrent le font au-delà de l’activité artistique à proprement parler.

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