Taguenzalt, un village à quelques kilomètres de Ouarzazatte. Un père de famille charge ses deux fils âgés de 12 et 14 ans de chasser des chacals. En s’entraînant, ou plutôt en s’amusant à appliquer les directives du patriarche, ils commettent l’irréparable. Inconsciemment. C’est par cette scène, au Maroc, que le réalisateur Alejandro Gonzalez Inaritu annonce la couleur de son choix cinématographique. «Babel» est une histoire de destins croisés.
Des incidents arrivent souvent au moment où on s’y attend le moins. L’auteur du non moins célèbre « 21 grammes » s’est d’ailleurs inspiré d’un épisode de la Bible pour mieux faire aboutir l’idée de son film écrit par Guillermo Ariaga. «Babel» y est présenté comme une tour construite par une humanité unie pour atteindre le paradis. L’entreprise provoqua la colère de Dieu. Pour séparer les bâtisseurs, il fit parler à chacun des zélés une langue différente, mettant ainsi fin au projet et répandant sur la terre un peuple désorienté. Cette punition divine est ressentie à travers ce dernier film d’Alejandro Inaritu. La balle tirée par les deux garçons, Ahmed et Youssef, incarnés par deux jeunes garçons de la région, Said Tarchani et Boubker Ait El Caid, ne tuera point de chacals, mais va blesser une touriste américaine Susan (Cate Blanchet).
Celle-ci est accompagnée par son mari Richard (Brad Pitt). Motif du voyage : sauver un mariage qui bat de l’aile. Ironie du sort, ou plutôt volonté divine, les choses ne vont pas se passer telles que programmées. Autre destin imprévisible, celui de la nourrice des deux enfants de Susan et Richard. Sans l’accord des parents, Amelia, interprétée par l’actrice mexicaine Adriana Barazza, amène Debbie et Mike assister au mariage de son fils à Tijuana à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Faute de n’avoir pas trouvé à qui les confier, elle décide, sur un coup de tête, de les amener avec elle, même si elle sait que c’est dangereux. Elle sera punie pour cet acte. À son retour, elle sera arrêtée par la police des frontières et prise pour une clandestine. Elle sera expulsée du territoire américain, là où se trouve son seul gagne pain. Plus loin encore, sur un autre continent, le réalisateur nous dévoile un destin encore plus tragique. Celui de l’adolescente japonaise Chieko. Pour se venger de son triste état de sourde-muette, elle tentera toutes formes de déviances. Mais elle se sent malgré cela toujours rejetée, mal-aimée de la gent masculine. Chose qu’elle n’arrive pas à accepter. Son père, Koji Yakusho, n’est autre que l’homme qui a offert son fusil de chasse à Brahim. Ce dernier l’a par la suite revendu au père des deux enfants, auteurs de l’incident. Les protagonistes du film sont de cultures différentes, mais ils sont liés par un destin commun. Tourné en plusieurs langues, y compris le japonais, «Babel» emmène le spectateur sur trois continents, dans un voyage incessant, à l’image de cette mondialisation largement prônée, mais qui se traduit, dans le film, par le culte du chacun pour tous. Le film est à l’affiche au Mégarama depuis le 17 novembre.
Indiscrétions du tournage
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