L’auteur de la Comédie humaine arrive pour la première fois en septembre 1847 au domaine de Wierzchownia (en polonais, Verkhivnia en ukrainien), qui lui apparaît, avec son parc et son péristyle, comme une « espèce de Louvre, de temple grec, doré par le soleil couchant dominant la vallée ». Il occupe trois pièces dans une aile du bâtiment: chambre à coucher, salon et cabinet de travail que l’on peut aujourd’hui visiter sur demande dans ce palais transformé en 1921 en école d’agriculture.
Les tapis moelleux, les immenses glaces Renaissance, les meubles somptueux ont depuis longtemps disparu. Pressentant les affres de la Révolution bolchevique, le comte Adam Rzewuski, un parent d’Eveline Hanska alors propriétaire du domaine, l’a abandonné en 1916 pour rentrer en Pologne.
A Verkhivnia, village de quelque 900 habitants, l’écrivain français est une figure légendaire souvent méconnue. Pour Volodymyr Kovaltchouk, un ouvrier en bâtiment, Balzac est un « écrivain humoriste qui aimait les femmes ». Mais pour une jeune fille, il est l’auteur de « La barbarie humaine ». Volodymyr Tcherneha, le directeur de l’école d’agriculture, affirme « l’Ukraine aime davantage Balzac que la France parce que, pour nous, Balzac est l’incarnation même de l’amour ». Près d’un cours d’eau traversant le parc, à quelques pas de la petite église qu’avaient fait construire les Hanski en 1810, Nadia Savtchouk, une étudiante de 19 ans, explique que nous marchons dans « l’Allée de l’amour ». « C’est devant cet arbre que Balzac a embrassé pour la première fois Madame Hanska.
Il faut arracher un bout d’écorce et le conserver précieusement pour que, en cas de chagrin d’amour, Balzac et Madame Hanska nous viennent en aide », dit Nadia en pointant un arbre dépourvu d’une grande partie de son écorce. Nadia confie ne pas « aimer beaucoup Balzac », qui est au programme de ses cours de littérature étrangère.