Culture

Bellamine face à son oeuvre

Le silence est ponctué par le bruit du pinceau sur la toile. Par les entailles du couteau qui mord dans la matière. Par la transpiration du peintre lorsque les mouvements de son corps sont à l’unisson du geste qu’il inscrit dans ses tableaux. C’est le propre du face-à-face du peintre Fouad Bellamine avec ses oeuvres. Il y a aussi sa fameuse serviette dont il se sert pour essuyer les traces d’un corps à corps harassant où l’artiste doit suer, laisser un peu de soi-même, s’il veut arriver coûte que coûte au terme du face-à-face.
Ce « combat », comme l’a souligné l’écrivain espagnol Emmanual Borja dans le beau texte de présentation de la manifestation, le peintre Fouad Bellamine accepte de le livrer devant des spectateurs. Il sort donc de l’espace dont les murs de son atelier gardent jalousement le secret pour s’exposer devant le public. « Une leçon de peinture » permet ainsi de voir un peintre à l’oeuvre. Il ne s’agit pas d’une performance, mais d’une leçon suivie dans le temps et qui instruit sur les différentes étapes, les multiples manoeuvres auxquelles l’artiste est acculé, avant de mettre la dernière touche à son tableau. L’idée de l’affrontement n’est pas une métaphore en ce qui concerne l’acte de peindre tel que se le représente Fouad Bellamine. Il impose d’emblée un rapport de possession avec sa toile qu’il domine de son corps.
L’intéressé l’étend en effet sur le sol et la traite en quelque sorte de haut. Est-ce pour lui en imposer ? Cette lutte se passe donc devant des témoins qui remplissent un espace exigu.
L’espace d’un petit appartement en passe de devenir l’un des hauts lieux en matière d’arts contemporains à Rabat. Après l’exposition très remarquée, « JH, JF », Abdellah Karroum, l’organisateur de la manifestation, ouvre encore une fois son lieu d’habitation au public.
L’esprit de cette leçon de peinture ne peut se saisir sans l’espace où elle est dispensée. La scénographie, voulue ou fortuite, accentue cette lutte inexpiable du créateur avec son oeuvre. Les bancs, qui encerclent le peintre, apparentent l’espace où il exerce son art à une arène. Il ne faudrait pas toutefois croire que les spectateurs sont les témoins taciturnes d’un combat passionné. Ils y prennent part. L’artiste les convie d’ailleurs vivement à y participer, non pas en s’emparant de tubes de peinture et de pinceaux, mais en discutant, en débattant. «L’espace est investi en vue d’être transformé en lieu de pratique, de réflexion et de débat », précise le peintre. Les débats ne se limitent pas à la discussion autour de la peinture de l’intéressé, ils vont bien au-delà. Puisque le peintre a invité des intellectuels, des écrivains, connus pour l’intérêt qu’ils portent à la chose plastique, à intervenir autour de la thématique du rapport de la peinture avec d’autres modes d’expression. Cela peut se rapporter à la relation de l’écriture avec les images, comme dans l’intervention des écrivains Marie Redonnet et Edmond Amran El Maleh autour d’un livre de Jean Genet sur Alberto Giacometti. Cela concerne aussi le rapport très étroit qu’entretiennent les poètes avec la peinture, comme dans la communication de Mohamed Loakira. Le compositeur Ahmed Essayad abordera, quant à lui, un sujet qu’il maîtrise : musique et peinture.
L’architecte Tarik Oualalou parlera d’un sujet pointu : le dialogue entre l’architecture et la peinture. L’écrivain Abdellah Bounfour nous dira tout du rapport de Roland Barthes avec Cy Twombly. Telles sont quelques-unes des interventions que comprend « la leçon de peinture » de Fouad Bellamine. Cette leçon part donc de la peinture de l’intéressé pour interroger celle d’autres peintres. C’est la générosité d’un artiste soucieux de la signification que revêt la peinture aujourd’hui. C’est aussi l’invocation d’une communauté d’hommes qui le réconfortent dans cette partie constamment ouverte : son duel avec l’oeuvre.

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