Casablanca, samedi dernier. «895 000 Dh une fois, 895000 Dh deux fois, 895000Dh, j’adjuge !» c’est ainsi que le commissaire-priseur de la séance de vente aux enchères, tenue à la Compagnie marocaine des oeuvres et objets d’art (CMOOA), a mis fin à une course serrée pour l’acquisition d’un «nu» de Jacques Majorelle. «Femme nue de dos» fait partie de la célèbre série du peintre français consacrée aux «femmes noires du pays des Glaouas». Devant un parterre de collecteurs et d’amateurs d’art orientaliste, la vente aux enchères a été conclue par un simple coup de téléphone de la part d’un mystérieux acheteur.
Accompagnée d’un certificat de Lynne Thornton, une grande experte internationale en la matière, cette «Femme nue de dos» a battu tous les records. «Jamais, dans une vente publique, ici au Maroc, on n’a atteint une pareille somme. C’est énorme !» explique un fin connaisseur de la chose artistique marocaine.
En fait, et avant cette vente du samedi 18 décembre, le tableau le plus cher ne dépassait guère les 610 000 Dh. Un Majorelle aussi. Avec ce «nu», les autres peintres peuvent aller se rhabiller puisque seuls Edouard Edy-Legrand et Lucien Lévy Dhurmer ont pu retirer honorablement leur épingle du jeu. «Les musiciennes» d’Edouard Edy-Legrand a été vendu à 385 000 Dh tandis que sa «Danse de la Guédra» a rapporté 195 000 Dh, contre 185000 Dh pour la «Transe». Fasciné par les femmes du Sud marocain à qui il avait consacré tout un cycle de peintures, Edouard Edy-Legrand a séduit les amateurs venus assister à cette vente et apprécier «Les musiciennes», une huile sur toile certifiée, elle aussi, par Lynne Thornton. Une oeuvre rare d’un orientaliste connu pour son penchant de ne peindre que sur du carton. Si les Edouard Edy-Legrand ont dépassé de loin les estimations pré-établies et figurant dans le catalogue de la collection «peinture orientaliste, art islamique et peinture contemporaine marocaine», les oeuvres de Lucien Lévy Dhurmer ont été adjugées dans la fourchette des prix estimés par les experts internationaux sollicités, pour l’occasion, par la Compagnie marocaine des oeuvres et objets d’art.
Son «Mystère des Oudayas», une casbah aux couleurs chaudes avec une touche plutôt abstraite, a été cédé à 460 000 Dh et sa toile «Nature morte orientale» à 50 000 Dh. Mais c’est son «Portrait de notable», un tableau brossant avec finesse les traits d’un personnage charismatique, qui a rapporté la somme de 470 000 Dh.
Présents également dans la collection «peinture orientaliste, art islamique et peinture contemporaine marocaine», les artistes marocains ont été représentés par Mohamed Ben Ali Rbati, Abbès Saladi et Moulay Ali Alaoui. Éclipsées par les orientalistes, les oeuvres marocaines avaient du mal à séduire les acheteurs, ce jour-là. Seuls quelques tableaux nationaux ont pu trouver acquéreur, alors que bien d’autres ont été retirés de la vente, faute de demande.
La vente aux enchères a prévu aussi une série d’aspersoirs en verre, des théières en porcelaine, des carafes polychromes et des coffrets en cristal. En organisant cette neuvième vente depuis sa création en 2002, la Compagnie marocaine des oeuvres et objets d’art commence à asseoir sa réputation de maison incontournable en matière d’Orientalisme et de peinture marocaine. Surtout que les ventes aux enchères de la CMOOA se font dans les règles de l’art.