Culture

Benabdallah : «Pour un Maroc du progrès»

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ALM : On parle beaucoup de vous en tant que ministre de la Communication, mais vous êtes aussi porte-parole du gouvernement. En quoi consiste votre rôle et êtes-vous habilité à parler de tous les sujets ?
Nabil Benabdallah : En tout cas, de tous les sujets qui entrent dans  le cadre des prérogatives gouvernementales. J’interviens dans les questions sur lesquelles le gouvernement souhaite communiquer ou bien sur toutes les questions au sujet desquelles je suis interpellé par vos confrères nationaux et étrangers. Il est évident que quand il y a des questions un peu plus spécialisées, un peu plus pointues, je m’arrange pour orienter les personnes qui ont besoin de ce genre d’informations vers les ministres concernés.

Concernant le gouvernement, il vous a été reproché de ne pas avoir été assez ferme concernant les festivités du Polisario à Tifariti. Qu’en pensez-vous ?
Je ne sais pas ce qu’on appelle intransigeance ou fermeté ! Le Maroc a exprimé des positions nettes et claires. Ces positions sont connues en ce qui concerne ce qu’on appelle la zone-tampon. Le Maroc s’est exprimé à divers niveaux en particulier au sein de l’ONU. Il y a quelques semaines, il a envoyé une lettre à Kofi Annan pour attirer l’attention à ces soi-disant festivités et sur les actes de provocation des mercenaires du Polisario et l’Etat qui se trouve derrière eux. Nous avons réitéré, par la voix des représentants du Royaume à l’ONU, cette position et nous avons également signifié avec force que le Maroc ne pouvait accepter cette situation, qu’elle était lourde de conséquences, qu’elle intervenait en violation des accords convenus concernant notre Sahara marocain et que le Polisario visait par ces actes à entraîner la communauté internationale, et le Maroc en particulier, dans une escalade à laquelle le Royaume ne veut absolument pas se prêter. C’est pour cela que le gouvernement appelle dans le même temps à de la fermeté, mais également à beaucoup de sagesse car il y a lieu de comprendre que nous ne devons pas céder à la provocation.

Ces derniers temps, il est beaucoup question de l’offre marocaine d’une autonomie élargie aux régions du Sahara. Comment évaluez-vous les choses au sein du gouvernement ?
Ce gouvernement est composé de six forces politiques. Sur cette question, Sa Majesté le Roi a annoncé sa volonté de prendre l’avis des différents partis politiques.
S’agissant d’une question d’intérêt national et d’une cause nationale, le gouvernement n’a pas de position tranchée au jour d’aujourd’hui et il ne pourra développer de position que sur la base de celle qui sera consensuellement dégagée par les partis politiques sous l’impulsion et sous l’égide de Sa Majesté le Roi. Le Maroc, comme le gouvernement l’avait annoncé, est foncièrement pour une solution d’autonomie. Il s’inscrit dans le cadre d’une solution politique, définitive, globale, négociée et acceptée par tous dans le cadre de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale du pays. S’agissant des détails, c’est ce qui sera dégagé d’ici la fin du mois de mars lorsque les différentes consultations en cours seront terminées et que Sa Majesté le Roi aura dégagé la position qui jouit du consensus national.

Pour aborder le pôle de l’audiovisuel public, on affirme que vous étiez contre la nouvelle configuration regroupant la SNRT et Soread-2M et surtout contre le timing. Qu’en est-il ?
Je crois que ce sont des propos sans aucun sens parce que, dès le départ, je me suis inscrit, depuis la mise en place du plan d’action du ministère, dans l’idée de défendre un pôle public fort. C’est pour cela que, dans la loi, nous avons veillé à ce que la SNRT, ex-RTM, soit restructurée et transformée en société locomotive du secteur public, mais que 2M aussi reste dans le giron du public avec une mission de service public, Donc, à terme, cela signifiait qu’il fallait rationaliser et dégager, lorsque les conditions les permettraient, un même groupe public fort. C’est ce qui est en train de se faire : nous avons la persistance de la SNRT, la Soread-2M qui continue d’exister avec un même Président-directeur général dans l’optique de fédérer les énergies de ces deux entités tout en conservant leurs singularités et de créer une synergie nécessaire par la suite. Depuis le départ, je me suis situé dans cette optique.

Quand est-ce que s’arrêtera cette cadence de création d’"enfants" de ce pôle public, sachant que le tout dernier est "Arriyadia" ?
On n’a pas l’intention de s’arrêter, on a l’ambition de continuer parce que nous avons mis le pied dans un engrenage positif. On semble ne pas se rendre compte de toutes les améliorations et les innovations que nous allons connaître dans ce secteur. Le nombre de chaînes se compte par milliers et il est normal que le Maroc se mette à créer un certain nombre de chaînes, publiques et privées, le tout devant mener à une élévation du niveau de notre audiovisuel, à une amélioration de la qualité et à une diversification de l’offre…

Il est aussi question d’une prochaine révision du code de la presse. Est-ce qu’on pourrait tabler sur un abandon des peines privatives de liberté ?
Pour une grande partie, oui. Nous allons profondément revoir ce texte et je peux vous assurer que les discussions que nous avons eues avec les professionnels sont extrêmement prometteuses et nous allons veiller à avoir l’adhésion de toutes les forces vives de la Nation parce que c’est une question qui intéresse tout le pays. A ce titre, nous devrons avoir, très vite, un nouveau Code de la presse dans lequel nous avons tenu compte de tout ce qui se fait de mieux à l’échelle internationale et nous l’avons fait à travers une démarche participative, une large concertation avec les professionnels. Je crois que c’est assez singulier parce que cela ne s’est jamais fait de la sorte. Je pense qu’il y a lieu d’être optimiste pour que, dans le courant de cette année, ce code puisse voir le jour.

Pour revenir à la politique, on dit que le PPS est un petit parti avec de grandes ambitions. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Le PPS n’est pas un petit parti et ce n’est pas un grand parti non plus. C’est un parti politiquement indispensable à la société marocaine dans la mesure où il apporte une singularité de pensée, une rationalité, une profondeur politique et une capacité de fédérer les énergies et de développer des compromis historiques forts dont on a encore besoin dans notre pays. Son esprit unitaire est extrêmement important. Le PPS est un parti porteur de valeurs de manière plus prononcée, plus claire que d’autres : des valeurs de progrès, de démocratie, mais aussi de patriotisme et de défense des intérêts de la Nation. Ce parti a un effort à faire et c’est celui de mettre en phase sa profondeur politique et la justesse de ses positions sur un certain nombre de questions sur lesquelles il lui est arrivé d’être précurseur. Le problème est que ce parti doit se donner les moyens de sa politique, être plus fort côté organisation, percutant au niveau de sa méthode de travail, capable d’impacter plus au niveau de sa communication et disposer d’une représentativité électorale plus importante. C’est pour cela que nous nous battons dans la perspective du 7ème congrès national.

Il y a eu une période de froid avec l’USFP. Est-ce que cette "petite brouille" relève du passé ?
Oui et nous en sommes heureux puisque nous travaillons sur des choses encore plus importantes. Je crois qu’aujourd’hui, la bonne approche est en train d’être développée. C’est celle de comprendre que les solutions se trouvent dans la dynamique que nous sommes capables de créer, notamment à gauche, mais non dans les systèmes de fusion-absorption. Nous sommes sûrs qu’il est nécessaire d’avoir non pas un programme électoral mais un programme de gouvernement pour dire aux Marocains qu’en 2007, nous avons telles orientations et en être comptables par la suite. En même temps, nous devons fédérer sur la base de ce programme au sein de la Koutla avec d’autres forces de gauche si elles acceptent cette vision, mais aussi avec d’autres forces marocaines si elles décident de privilégier l’alliance avec les forces du progrès plutôt qu’avec les forces obscurantistes, rétrogrades et droitières.

Sinon, comment vous voyez le Maroc après 2007 ?
J’espère que ce sera un Maroc où nous aurons compris la nécessité pour tous les démocrates, les progressistes, les femmes et les hommes de gauche de se retrouver ensemble et offrir un projet mobilisateur. Cela dépend également de ces merveilleuses potentialités dont dispose notre pays, ses cadres, ses femmes et ses hommes qui s’inquiètent pour leur avenir. Le  Maroc va continuer sur la voie de la modernisation et de la démocratisation et le meilleur moyen est de soutenir les forces du progrès pour faire en sorte que celles-ci puissent triompher lors des échéances de 2007.

Pour vous qui avez été directeur des journaux du PPS, est-ce que la presse partisane a toujours une raison d’être ?
Je vous répondrais si vous me garantissez que cette réponse sera signalée avec uniquement ma qualité de membre du bureau politique du PPS ! Je vous dis personnellement qu’il n’y a plus d’avenir pour la presse partisane au Maroc. Elle est dépassée comme la réalité l’atteste et il y a lieu de faire autre chose.

Pourquoi l’Etat a-t-il alors consenti de grands moyens financiers à cette presse ?
Nous n’avons pas consenti d’efforts financiers pour la presse partisane, mais plutôt pour la modernisation de la presse et des entreprises de presse marocaines indifféremment de leur appartenance partisane ou pas. J’espère que cette politique que nous avons mise en œuvre va aider la presse partisane à développer une nouvelle vision et à s’orienter vers ce que j’appellerai une rupture avec une presse militante, une presse d’idées, une presse dont l’identité se confond avec le parti.

Une caisse de résonance…
Une mauvaise caisse de résonance de toutes les manières. Aujourd’hui, je crois que les gens n’ont plus envie d’avoir l’impression de prendre la carte d’un parti chaque fois qu’ils achètent le journal qu’il édite. Tant que ce sera le cas, on n’aura rien compris et il est malheureux de constater qu’au lieu de prendre le taureau par les cornes, on continue sur cette voie.
Je suis partisan par exemple d’un grand journal de gauche porteur des valeurs de progrès avec des professionnels, une ligne éditoriale et un pacte de valeurs qui régit ce journal et qu’on laisse les professionnels, qu’on aura choisis pour ce journal, travailler sans être dans l’obligation, tous les matins, de mettre sur huit colonnes les dernières déclarations des secrétaires généraux des partis.

Qu’est-ce que cela fait d’être responsable d’un parti héritier du parti communiste marocain et d’interdire un journal français, "France-Soir", pour publication des caricatures du Prophète ?!
Je crois qu’il y avait une volonté délibérée de provoquer les sentiments de notre peuple et de la communauté musulmane. Sur cette question, je développe le point de vue suivant : autant il y a lieu de respecter dans le monde occidental les valeurs de chacun, autant il faut accepter et respecter les valeurs des autres communautés.
Surtout en matière de croyances, de cultes et de religions. Il y a aussi lieu de signaler que les réactions étaient violentes, grossies à souhait et qui privilégient le sentimental, la passion aux dépens de la raison. Je pense que concernant ce sujet, le Maroc a été très modéré dans sa globalité et à travers toutes ses composantes.

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