A l’instar de vos autres longs-métrages, «Indigènes» est un film fidèle à l’histoire. Peut-on vous qualifiez de réalisateur ethnologue ?
Rachid Bouchareb : Tout au long de ma carrière de réalisateur, je me suis toujours intéressé à l’histoire des peuples. La colonisation, l’esclavage, l’immigration sont des sujets qui ont souvent attiré mon attention.
Pour cette raison, j’use de tous les moyens pour étudier en profondeur tous ces thèmes. Ce fut le cas également pour « Indigènes ». Ce film traite de l’histoire des goumiers et des tirailleurs maghrébins et africains qui se sont portés volontaires pour combattre auprès de l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale. J’ai fait ce film pour rendre hommage à toutes ces braves gens.
C’est une manière de mettre en lumière les années qu’ils ont passées à défendre le drapeau français. Faire ce film a été pour moi un défi pour revaloriser ces anciens combattants.
Est-ce la véritable vocation du cinéma ?
Je suis persuadé qu’il n’y a pas un seul cinéma, mais des cinémas. Chacun choisit le genre de cinéma qu’il veut offrir au spectateur et dans lequel il se retrouve le plus. Pour ma part, j’ai choisi mon créneau et je compte évoluer dans ce style. Maintenant, on n’impose rien au spectateur, c’est à lui de choisir son type de films.
Ce film a fait réagir le gouvernement français sur l’affaire de la « décristallisation » des pensions de ces anciens combattants. Pensez-vous que le problème a été réellement résolu ?
C’est résolu, il n’y a pas de doute là-dessus. Le jour même de la sortie en salles noires en France du film « Indigènes », le président Jacques Chirac a annoncé des mesures importantes concernant les pensions des anciens combattants des ex-colonies françaises.
Le gouvernement a donc décidé de revaloriser les pensions des anciens combattants en les alignant sur ceux de leurs frères d’armes français. Quelque 80.000 personnes de plus de 65 ans, originaires de 23 pays (Maghreb, Afrique noire francophone, Madagascar et ancienne Indochine), pourraient bénéficier d’une telle "décristallisation». Aujourd’hui, les budgets ont été débloqués pour indemniser tous les concernés.
Dans l’une de vos déclarations, vous avez affirmé avoir voulu tourner ce film en noir et blanc. Pourquoi avez-vous changé d’avis ?
Il n’a jamais été question de tourner « Indigènes » en noir et blanc. Pour le film, j’ai utilisé uniquement des «virgules» en noir et blanc pour mentionner les différentes étapes historiques. Ce film se base sur les faits réels, mais il demeure un film de fiction et non pas un documentaire.
Pour ce film, vous avez campé plusieurs rôles. Vous êtes à la fois scénariste, producteur et réalisateur. Mais dans quel rôle vous sentez-vous le mieux ?
Le cinéma, c’est mon univers. Et faire du cinéma, ce n’est pas se contenter d’une seule mission. Je n’aime pas me cantonner dans un seul métier du cinéma. Je préfère élargir mes champs d’action. C’est mon dada. Pour réaliser un film, il faut trouver de l’argent, et le réalisateur a un grand rôle à jouer dans ce sens. Chercher du financement pour mon film n’a pas été une corvée, au contraire, j’adore faire ça. A partir du moment où l’on aime le cinéma, s’occuper de la production d’un film devient une véritable partie de plaisir.
L’étiquette d’humoriste de Jamal Debbouze était presque inexistante dans ce film. Comment qualifiez-vous sa prestation ?
Le comique a un contexte déterminé. On ne peut pas rire de tout. Le rôle qu’a accepté de jouer Jamal Debbouze est sérieux. Cet humoriste est avant tout un acteur et il sait très bien être sérieux quand il le faut. L’étiquette d’humoriste ne lui colle pas à la peau.
Après « Indigènes », quel sont vos projets ?
J’ai travaillé sur « Indigènes » pendant cinq ans. Maintenant, j’aimerais me reposer. Je crois que c’est mérité.