ALM : Comment est née l’idée du spectacle «Mme Plazza»?
Bouchra Ouizgen : J’ai pris la décision, il y a trois ans, de faire un spectacle différent. Et pour cela, j’avais besoin sur scène, de femmes artistes marocaines puissantes. Et à part les chikhate, je n’en ai pas trouvées. Ce sont des femmes fortes par leur personnalité, leur voix, et leur carrure et le fait qu’elles assume leur choix de vie. J’ai donc pris en compte le choix de la contradiction que représente la figure de la chikha, femme adulée et en même temps méprisée, pour ne pas tomber dedans, mais pour montrer tout ce qu’elle a de sublime, de fort et d’humoristique. J’ai essayé de faire dans l’épuré, d’inventer quelque chose de l’ordre de la rencontre entre la danse contemporaine et la danse de l’aïta, en poussant les barrières de chacun des deux genres. Par exemple ces artistes chantent A Cappella, sans micro, ni de folklorisation. Nous étions juste nous, nos voix, nos corps, nos vécus de femmes, d’artistes, nos désirs, espoirs et folie. Aujourd’hui, parmi les artistes marocaines, ou les femmes marocaines d’une manière générale, je suis plus proche d’une chikha, parce que marginalisée et libre !
Comment a eu lieu la rencontre avec ces dames ?
C’est un processus et un long travail qui a duré trois ans et où je suis partie à la rencontre de leur monde, voyageant de village en village, m’incrustant dans les fêtes de mariage ou encore les cabarets. J’ai dû rencontrer une centaine de chikhate. Et j’ai fini par en choisir trois aïtas haouziates, de la région de Marrakech. Il fallait trouver, au-delà du chant, des femmes artistes engagées, capables de se risquer à de nouvelles expériences, tout comme moi, je l’étais à remettre en cause tous mes acquis… La plus jeune d’entre eux a 44 ans, la plus âgée atteint la soixantaine. Je leur ai fait une sorte de formation à la danse contemporaine condensée sur quatre mois de résidence.
Ce spectacle a-t-il rencontré le succès ?
«Mme Plazza» a été diffusé dans plusieurs pays, en France, en Suède, Allemagne… Et on a une cinquantaine de dates prévues partout dans le monde. Le prochain spectacle au Maroc est prévu le 30 janvier à Marrakech à la maison de la culture Daoudiat dans le cadre du festival On Marche. Le seul regret, c’est le manque de soutien à la diffusion et à la production du ministère de la Culture. Des projets formidables existent, des tournées dans les festivals les plus prestigieux dans le monde ont lieu. Et c’est bien dommage, de ne pas avoir le soutient de son pays.
Vous êtes membre de la compagnie Anania organisatrice du festival «On marche». Parlez-nous de cette édition.
C’est la 5ème édition du festival On marche. Cette manifestation qui aura lieu du 23 au 30 janvier 2010 à Marrakech permettra de réunir des chorégraphes marocains, des programmateurs et professionnels de la danse (de la pop à la danse contemporaine) du monde entier. Un volet «premier pas» destiné à montrer les travaux de jeunes chorégraphes est la nouveauté cette année, aussi sont prévues des projections à l’ESAV de film datant des années 30 autour de la danse comme rituel. C’est un événement gratuit qui a aussi pour but de permettre à la danse d’être au centre de l’ espace public.