Culture

Cadrage : Au ban du journalisme

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«Votre hebdo, peut-on lire dans Jeune Afrique l’intelligent à l’adresse du Journal Hebdomadaire, a des comptes à régler avec un régime qui, pourtant, l’a porté sur les fonts baptismaux». Tout est ainsi dit. Et réduit en peu de mots la malveillance du magazine de Fadel Iraki et acolytes  à l’égard du pouvoir à sa juste dimension ; un dépit d’amour, le chagrin de la maîtresse d’une nuit qui ne se console pas d’avoir été délaissée pour flagrant défaut de virginité. Morale s’entend. Le coup est vache mais la défense est légitime. L’arroseur est arrosé pour avoir accusé le magazine de Béchir Ben Yamed d’être, comme tous ceux qui ne sont pas sur la même ligne éditoriale que le Journal Hebdomadaire, un affidé du pouvoir marocain. François Soudan qui signe la contre- attaque s’en donne à cœur joie. Et ne se prive pas. Il double l’estocade d’un coup de grâce. Jeune Afrique, écrit-il perfidement, «n’a pas d’actionnaire de référence extérieur à la profession" et ajoute que le magazine parisien "paie évidemment ses impôts, ses salaires et ses charges sociales.
Le Journal Hebdomadaire peut-il en dire autant ?". La question restera sans réponse. Motus et bouche cousue qu’un adage marocain situe parfaitement : que peut bien dire le mort devant son croque-mort. Dans sa réponse à la réponse, le magazine casablancais tente une échappatoire par la crânerie mais s’embourbe. Il commence par tronquer le droit de réponse de Jeune Afrique qu’il ne publie pas dans son intégralité alors que le Code de la presse et de l’édition lui fait l’obligation, ce qui n’est pas l’apanage du seul Maroc, d’accorder gratuitement au mis en cause le double de l’espace occupé par l’article qui l’incrimine. Qu’à cela ne tienne. La dérobade fait vite de montrer ses limites et se révèle comme le "last but not least"  manquement à l’éthique et aux règles de la profession dans une enquête qui n’a d’investigation que la prétention. Le premier et le deuxième se rapportent à la non vérification de l’information et à l’inobservance de la règle sacro sainte de tout journalisme, non pas objectif, c’est un leurre, mais honnête, à savoir le contact préalable avec les premiers concernés par les accusations pour s’enquérir de leur version des faits. Les autres manquements sont tout aussi édifiants. Ils renseignent bien sur la valeur de la gorge profonde qui a servi les tuyaux crevés à ce simulacre d’enquête. Elle débute par un tissu d’erreurs sur des noms et des dates aussi faciles à vérifier que le passage de Mohamed Cherkaoui, bien connu pour être le beau- frère de Feu Hassan II, par l’ambassade du Maroc à Paris et Hamid Barrada, journaliste qui n’est plus à présenter, par Jeune Afrique. Elle se poursuit par la construction d’une enquête fondée sur des ragots de salons et de sources anonymes dont la crédibilité n’a d’égale que le courage. Et finit, comme elle a commencé, par donner un aperçu assez significatif sur les tics d’un journalisme à un abîme et demi des minima déontologiques qu’exige la profession. À Jeune Afrique où l’on n’ignore pas qu’il suffit d’une information pourrie pour que tout un article sente mauvais, la contre-offensive est une partie de plaisir. Du «banc des accusés» François Soudan met le Journal «escromadaire» au ban du journalisme.

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