Culture

Carnet de voyage : Méditerranée : les vagues de la paix (12)

«Kotor », le cœur battant du Monténégro, était enveloppée dans un gros nuage de fumée. Au-dessus des montagnes, jonchées de forêts, des canadairs essayaient d’éteindre un grand incendie. « Ne soyez pas surpris, cela nous arrive chaque été d’avoir ce genre d’incendies », dit Bogdan, sans pourtant réussir à rassurer le commun des pacifistes. Qu’à cela ne tienne, le feu ravageur était loin de Kotor-Harbour (Port de Kotor). Et puis, la beauté magistrale de ce joyau de l’ex-Yougoslavie, encadré jalousement par une chaîne de montagnes impressionnante, nous fera vite oublier, comme on dit, ce « nuage dans un ciel d’été ».
Le 15 juillet, début de la Haute saison dans l’Adriatique, coïncidait avec notre arrivée. « Que va-t-il alors se passer à quai ? ». Tout le monde à bord se posait la question. Le déclenchement de l’incendie était-il de mauvaise augure ? La responsable de la section Monténégro de l’IITM (Institut international du théâtre méditerranéen) nous apprendra que le maire de Kotor avait refusé, pour une raison ou une autre, de leur accorder l’aide nécessaire à l’accueil du destroyer. L’accueil fut ainsi très sobre, il n’y eut pas de fête à quai, contrairement aux escales précédentes.
Quoi qu’il en soit, nos amis monténégrins, privés de l’aide publique, étaient très affables. Si les pacifistes étaient priés de passer la nuit sur le « Constanta » -il n’y eut pas de descente à l’hôtel- ils en avaient profité pour vadrouiller pendant toute la nuit dans les ruelles de Kotor.
Cette ville-forteresse, dont la construction remonterait au Moyen Age, n’aurait rien perdu de son charme légendaire, en dépit du violent tremblement de terre qui la secoua en 1979. Ses quatre églises, perchées sur les hauteurs, semblaient inaccessibles. Toutefois, une longue muraille, rappelant, à moindre échelle, celle de la Chine, devait y faciliter l’accès. Ses montagnes, parsemées d’une végétation sauvage, paraissaient désertes, mais elles étaient bel et bien habitées.
A preuve ces logis qui pointaient le soir, sous l’éclat de lampadaires étincelants. Un très beau refuge pour les gens en quête de mysticisme.
Au pied de ces montagnes, en plein centre de Kotor, la modernité venait élire domicile. Si les constructions ont su garder leur cachet ancien, le mode de vie des Monténégrins, lui, était moderne. Visiblement sereins, ces derniers arrivaient mal à cacher une profonde blessure.
A Kotor, comme à Srebrenica, Serbes et Bosniaques se livrèrent une guerre ethnique sans merci. « Nous étions victimes d’une véritable purification ethnique », nous dit un Bosniaque. « Cela devient encore scandaleux quand on constate que cette purification nous était infligée pour la simple raison que nous sommes musulmans », poursuit-il.
Si la plupart des Bosniaques de Kotor n’étaient pas près d’oublier, certains essayaient bon an mal an de cautériser les blessures. Lors de nos rencontres avec quelques artistes monténégrins, nous eûmes l’agréable surprise de constater que deux plasticiennes, bosniaque et serbe, travaillaient coude-à-coude pour faciliter le rapprochement entre les deux communautés.
Un vœu que ces deux plasticiennes exprimèrent à travers leurs toiles peintes à deux mains, où le ton prédominant était celui de la paix.
La guerre fratricide qui opposa Bosniaques et Serbes du Monténégro contrastait avec l’atmosphère peinarde planant sur Kotor, le calme de l’Adriatique -un véritable tapis bleu- et la convivialité d’une population qui, semblait-il, fut sciemment fracturée par le régime de Milosevic. Le dictateur, qui fut traduit en justice pour crimes contre l’humanité, avait veillé à semer la division entre Serbes et Bosniaques.

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