Si vous êtes sujet à des crises de nerfs, eh bien évitez d’organiser des fêtes ! Un conseil qui serait le bienvenu si seulement, répondriez-vous, on avait le choix. Puisque ce n’est pas le cas, il ne reste plus qu’à se jeter à l’eau et à apprendre à nager, c’est-à-dire à gérer. La gestion, pour ceux qui envisagent d’organiser une cérémonie, est un maître mot sur lequel repose l’objectif final : réussir la fête. Pour les familles marocaines, ce sont les cérémonies de mariages qui importent le plus, qui exigent le plus et qui demandent donc le plus de minutie et d’esprit organisationnel. Car, en plus des rituels d’un cérémonial, qui varient d’une région à une autre, les ingrédients alliant habillement, beauté, gastronomie, et musique représentent un investissement à la fois personnel et matériel. Et c’est plutôt le second qui influe sur le premier. Et ce sont les petites bourses qui en savent quelque chose. Amin et Safaa, tous deux employés dans une société, ont dû prendre leur mal en patience pour réunir le budget qu’il fallait. Ils sont restés fiancés pendant quatre années en attendant que leur compte en banque soit un peu plus étoffé pour «affronter» la grande soirée. «C’est une seule cérémonie de mariage dans la vie. On ne peut pas s’en passer», déclare la future mariée. Il n’y a pas que la future mariée qui pense cela, mais aussi ses parents. Pour ces derniers, il n’est pas question que leur fille fasse la transition du domicile des parents à celui de l’époux sans une grande cérémonie dont les échos devront durer le plus longtemps possible. Qu’à cela ne tienne, on en fait, donc, une affaire d’honneur familiale et de satisfaction personnelle. Dès que l’idée de laisser tomber la fête est éliminée (ce qui arrive dans la majeure partie de cas), il faut passer à l’action et s’y prendre surtout le plus tôt possible. Nouveau mode de vie oblige, les cérémonies ont développé tout autour de ce «challenge de la réussite» un champ prospère pour le commerce. Et c’est là où il est question de dresser la liste la plus exhaustive possible pour évaluer les besoins et, ensuite, trouver les bonnes adresses. Il faut avoir du flair pour cela, et engager ce qu’on pourrait appeler, dans ce cas précis, des « détectives de circonstances». Ce sont tout simplement les proches et connaissances qui travailleront sur le terrain pour trouver les moins disant en matière de prix. Une fois le repérage fait, c’est en principe la mère de la mariée, gestionnaire du budget, qui se déplace pour juger de la qualité et du prix. Alors, faisons un tour d’horizon pour voir ce qu’il faut. En premier, ce sont les tenues traditionnelles et les accessoires qui les accompagnent. Pour cela, les professionnelles de la location et de l’assistance de la mariée durant la cérémonie sont là : les neggafat. Une matinée ou un après-midi est nécessaire pour que la mariée prenne le temps de choisir les caftans et les couleurs qui lui vont le mieux. «En principe, les mariées louent entre trois et quatre cafatans en plus de la robe blanche qui marquera la fin de la cérémonie. Les prix, eux, dépendent de la saison», explique Amal, dont le local se trouve dans l’ancienne médina de Salé. Ce matin, elle reçoit justement une jeune fille dont le mariage sera célébré dans quatre semaines. La neggafa lui propose de voir l’ensemble des caftans exposés sur des cintres bien ajustés. Le local en est encombré. Il y en a pour tous les goûts et pour mieux orienter les clientes, parfois, déboussolée, la neggafa leur montre un album de photos de mariées portant les caftans proposés à la location. La mariée semble excitée, mais pas autant que sa mère venue exceptionnellement avec une proche pour se mettre d’accord sur le choix et le prix. «Je ne vous cache pas que c’est la basse saison, en ce moment. Mais nos produits sont parmi les meilleures, madame. Soyez-en certaine !», répète Amal. Parole de neggafa ! Parce que ce n’est pas la haute saison (période estivale), le prix de location des quatre caftans pour lesquels ont opté les clientes sera de 4000DH. «Ce n’est pas cher du tout, n’oubliez pas que cela comprend les accessoires, les couronnes et l’assistance de la mariée du début à la fin de la cérémonie», répète Amal. La mère semble satisfaite et s’assure d’elle-même que la neggafa a bien tout noté sur son registre sans oublier de fixer la date du jour-J. Mais avant qu’elles ne quittent son local, la neggafa interpelle ses clientes pour les informer qu’à quelques mètres se trouve le salon de coiffure que tient sa fille, spécialisée en coiffure de mariée. Business oblige et les clientes s’y laissent prendre comme pour se dispenser d’effectuer d’autres recherches. Une petite visite chez la fille de la neggafa ne dure que 15 mn, mais l’objectif est atteint. Proximité oblige, ce sera elle qui assurera la coiffure et le maquillage qui y vont avec pour un prix de 1000DH. «En période estivale, ce sera le double ou au moins 1500 DH», indique la coiffeuse.
Deux coups en un. La mariée et sa mère semblent avoir l’esprit plus léger à présent. Mais la liste, elle, reste longue. Pour accueillir ses invités, il faut de l’espace et cela est souvent impossible chez soi. Solution : les salles de fêtes. Alors, après la neggafa, c’est la visite des salles qui s’impose. Là aussi, suivant les «détectives de circonstances», la mère de la mariée est dirigée vers une salle à l’architecture ancienne. Elle appartient à une famille qui la loue 8000DH la nuit pendant l’été et 50% de moins, le reste de l’année. Pas question de perdre de temps ni de tenter le marchandage, car le commerce de ce type semble ne pas tolérer les réductions. «On n’a vraiment pas le choix et puis cette salle est à quelques pas de la neggafa. Donc, nous n’aurons pas de problème de transport ou de retard», souligne la gestionnaire qui se lance à présent à la recherche du traiteur. Eh oui, c’est désormais l’usage, parce qu’on ne peut pas être au four et au moulin comme on dit. Les traiteurs ressemblent de plus en plus à des labels et leurs prix donneraient l’impression aux clients d’être à la Bourse de Casablanca. Règle d’or à ne jamais violer : garder sa tête sur ses épaules et ne jamais dépasser son compte en banque pour une belle soirée par peur de se retrouver sur la paille. On opte donc pour un traiteur local dont la qualité du service est reconnue. La mère de la mariée l’a trouvé à l’avenue El Quachachin à Salé. Il préparera les tables et chaises nécessaires et fera venir quatre serveurs pour assurer le service. Le traiteur aura, aussi, pour mission de préparer les jus, le thé et le café. Tout cela pour le prix de 4700DH. Un prix qu’il jure avoir baissé de 30% parce que l’un des proches de la mariée s’est avéré être son ami. Qu’à cela ne tienne. Au fur et à mesure que la date du mariage s’approche, les commandes de touts genres s’accélèrent. Les gâteaux traditionnels (120 DH le kilo), la pièce montée (moyenne de1500 DH), les sachets de dragées qu’on mettra dans un panier garni de fleurs (200 DH), le henné (pour la veille de la cérémonie), les ingrédients nécessaires (poulets, viandes, amandes, épices) dans le cas où les organisateurs voudraient offrir un dîner à leurs convives… «Je pense que j’ai oublié quelque chose», se demande la mère de la mariée. Une révision de toute la liste s’impose, mais, cette fois-ci, en présence de la famille et surtout du père «bailleur de fonds n°1». «Ah oui !, les invitations, on les a oubliées !», lance le père. Pas de problème, il faudra juste ajouter 1000DH de plus au budget pour acheter de jolies petites cartes qu’on adressera aux amis. Il faut s’attendre toujours à dépasser le budget initial, car, les imprévus sont toujours de mise. Un contexte favorable aux disputes qui se font plus fréquents au sein de la cellule organisatrice soit par manque de coordination, soit parcequ’on ne se met pas d’accord sur le menu. En tous les cas, toute la tension s’évapore comme par magie dès que la cérémonie de mariage se passe dans les meilleures conditions. Les souvenirs qu’on en garde font tout oublier absolument tout. Souhaitons, donc, beaucoup de bonheur aux nouveaux mariés !