Zineb a 27 ans et souffre de la fièvre acheteuse. Elle se retrouve « sans le sou, le 10 de chaque mois » et ne peut brider cette « mystérieuse force qui pousse à procéder à un achat en sachant qu’elle n’arrivera pas à joindre les deux bouts vers la fin du mois » : Zineb est une consommatrice compulsive. Une nouvelle génération de consommateurs qui commence à se développer au Maroc et dont la composante féminine est majoritaire. La tendance est allée crescendo avec l’arrivée, au cours de ces deux dernières années, en force de nouvelles marques sur le marché marocain. À Casablanca, le quartier le plus achalandé est celui du Maârif où des enseignes internationales y poussent comme des champignons.
Ce temple de la consommation, implanté au coeur de la capitale économique, ne désemplit presque pas, et enregistre un flux important lors des périodes de solde. Ayant pignon sur rue, au propre comme au figuré, Zara, le 29 décembre dernier, a été dans la ligne de mire de celles et de ceux qui veulent, à tout prix, surfer sur la dernière vague du monde de la mode. Les trois étages de ce mégastore de 2600 m2 ressemblaient, ce jour-là, à une fourmilière. Queues devant les cabines d’essayages et devant les caisses, Zara, en bradant ses prix, a pu écouler, en quelques jours, des articles qui prenaient normalement des semaines pour se volatiliser. Le vent en poupe, ce premier magasin de son genre en Afrique, compte ouvrir de nouvelles boutiques à Rabat, Agadir et Marrakech. Zara vient également de lancer une nouvelle carte de crédit, invitant ainsi sa clientèle à faire du shopping sans se soucier de ces problèmes financiers qui surgissent vers la fin du mois. La carte Azzuro se veut une première au Maroc parce qu’elle permet à sa détentrice et à son détenteur de « profiter sans hésiter du meilleur de la mode et des toutes nouvelles tendances », comme l’explique cette brochure distribuée, cette semaine, à Zara et à La Senza. Cette initiative du groupe Aksal, propriétaire de ces deux franchises au Maroc, est venue à point nommé : « la carte Azzuro vous permet de prévoir vos dépenses, celles de votre famille et de maîtriser votre budget, les collections de prêt-à-porter auront pour vous le goût d’un plaisir réel, sans hésitation ni frein ». Car c’est du plaisir qu’il s’agit, avant tout autre chose.
Un plaisir que la clientèle de ces nouvelles marques éprouve à chaque fois qu’elle achète un objet « made in Europe » ou d’ailleurs. L’utilité de l’objet procuré est reléguée au second plan au profit de la notoriété de la marque. Jalal, 19 ans, avoue qu’il est prêt à casser sa tirelire pour se procurer tel Jean américain ou autres baskets allemandes. « Il faut absolument que je porte ce qu’il y a de plus récent en matière de vêtements. La célébrité de la marque est une condition sine qua non pour mes achats. Je ne mets la main à la poche que pour m’offrir des produits connus de par le monde », dit-il. Ce changement dans le mode de la consommation des Marocains affecte aussi bien les jeunes gens que les adultes. Les grandes marques commencent également à faire les yeux doux aux enfants. Du pied à la tête, le diktat de la mode se cultive dès le jeune âge. Pour la doctrine de la consommation, l’habit fait le moine et la garde-robe est le sacro-saint lieu qu’il faut renouveler, sans répit.
Au Maroc, les chiffres concernant le budget alloué aux garde-robes n’existent toujours pas ; aucune étude n’a été menée jusqu’à maintenant dans ce sens. Mais une simple visite au quartier Maârif, à Casablanca, ou à l’Agdal, à Rabat, renseigne sur ces nouvelles habitudes qui viennent se greffer sur notre mode de consommation. De la parfumerie aux vêtements, en passant par les accessoires et autres centres de beauté, l’engouement des Marocains envers les marques internationales est un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
Les boutiques ne désemplissent presque pas, même certains pensent qu’on y vient plutôt pour voir que pour passer à la caisse. « Il y a plus de visiteurs que d’acheteurs», comme le constate l’une des passionnées du lèche-vitrine.
« Le prix est excessif. Il est tout simplement inabordable parce qu’il dépasse de loin le budget que je consacre aux vêtements et aux produits cosmétiques », ajoute cette jeune femme, secrétaire dans une société privée. Si son faible pouvoir d’achat la pénalise et la prive de goûter aux charmes de ces marques, elle rêve néanmoins de pouvoir faire du shopping dans de telles grandes surfaces. Des surfaces de plus en plus alléchantes et qui séduisent davantage nos aficionados de la mode.