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Chakib Wahid : «Le théâtre marocain s’adapte à l’évolution de la société et à l’ouverture sur le monde»

© D.R

Entretien avec Chakib Wahid, comédien, metteur en scène, formateur spécialiste du théâtre et éducation et des matchs d’improvisations

D’origine marocaine, Chakib Wahid est installé dans l’Hexagone depuis belle lurette. Il s’y est intégré dans la scène culturelle de la République. Depuis une quinzaine d’années, il organise le Festival Scènes d’accueil qui se tiendra à partir du 6 mai. Le metteur en scène en détaille la particularité tout en remontant à son parcours sans manquer de livrer ses regards sur le théâtre marocain.

ALM : Vous organisez cette année le 15ème Festival Scènes d’accueil en France. Pourriez-vous nous en raconter l’idée d’origine ?

Chakib Wahid : Chaque année, Bordeaux accueille des enfants étrangers, qui arrivent en France pour des raisons diverses, poussés par le projet familial ou par des bouleversements géopolitiques. Certains suivent le parcours migratoire de leurs parents, d’autres arrivent seuls. Le droit à l’instruction étant un droit constitutionnel fondamental dans notre pays, ces jeunes non francophones sont soumis à l’obligation scolaire. C’est pour ces jeunes que j’ai conçu le projet Scènes d’accueil pour la 15e année, qui mêle une triple dimension, artistique, interculturelle et citoyenne.
Les ateliers théâtre, conduits par mes soins, valorisent le patrimoine culturel de ces adolescents migrants, tout en facilitant l’appropriation de la langue et de la culture du pays d’accueil. Ils sont ainsi un outil d’intégration et de sociabilisation dans le pays d’accueil.
Qu’il s’agisse de Molière ou d’un théâtre plus contemporain, le choix exigeant des pièces conduit ces élèves à se surpasser pour présenter un spectacle ambitieux dans des conditions professionnelles.
Par l’occasion, nous remercions le Théâtre National Bordeaux Aquitaine (TNBA) qui, depuis 2011, accueille ce Festival de théâtre pour élèves primo-arrivants, unique en son genre.

Quelle en est la particularité ?

Le caractère novateur de Scènes d’accueil réside donc en la combinaison de ces deux volets, notre conviction étant que la culture favorise l’épanouissement personnel et le vivre-ensemble, au même titre que la connaissance des valeurs citoyennes.
Ce festival est l’occasion de découvrir des initiatives associatives, l’implication de l’éducation nationale et l’énergie et la motivation de ces jeunes non francophones qui viennent d’arriver dans notre région et qui au bout de 8 mois sont sur scène pour présenter des pièces de théâtre devant 500 personnes.
Trois collèges (Edouard Vaillant, Léonard Lenoir et Gisèle Halimi) et un lycée (François Magendie) seront mis à l’honneur cette année avec 4 spectacles.
Au total ce sont près d’une centaine d’élèves qui participent à ce festival. Ils viennent des quatre coins du monde: Ukraine, Russie, Bulgarie, Tchétchénie, Espagne, Moldavie, Sénégal, Mali, Maroc, Tunisie, Afghanistan, Viet Nam,…
Cette 15e édition aura lieu le vendredi 6 mai 2022 à 18h30 au TNBA Place Renaudel à Bordeaux.
Quant aux préparatifs du festival Scènes d’accueil, je rencontre les élèves chaque semaine de janvier à mai, avec au total 100 heures de préparatifs, de sensibilisation à l’art dramatique, de travail sur le corps, la voix, l’improvisation et sur le jeu de comédien.

Comment était votre parcours à Bordeaux avant de parvenir à vous y intégrer artistiquement et organiser un festival ?

Après l’obtention de mon diplôme de l’ISADAC, j’ai travaillé au ministère de la culture marocaine. Je suis arrivé à Bordeaux dans le cadre de la coopération entre le ministère de la culture marocaine et l’Etat français pour poursuivre mes études supérieures.
J’ai fait de belles rencontres artistiques, notamment avec l’ancien directeur du TNBA Jean-Louis Thamin, qui m’a engagé comme assistant à la mise en scène.
J’ai découvert la scène bordelaise, cela m’a donné confiance en moi pour me lancer moi-même. Et très vite, l’envie de transmettre aux jeunes ma passion du théâtre s’est imposée à moi. J’ai pu à partir de ce moment-là monter très régulièrement des projets avec des élèves du primaire au lycée, avec des étudiants mais aussi avec des adultes.
Je suis actuellement le metteur en scène de la compagnie de l’Incertitude du CNRS (Centre national de la recherche scientifique.) Je suis chargé de cours de théâtre à l’université Bordeaux Montaigne et directeur artistique de l’association ALIFS (Association du lien interculturel familial et social).
Je peux dire que le théâtre est un formidable outil d’intégration car cela crée un lien fort entre les humains.

Qu’en est-il du regard que vous portez sur l’évolution du théâtre marocain ?

Le théâtre marocain connaît un nouveau souffle actuellement. Il y a une offre diversifiée avec plusieurs formes artistiques qui mêlent théâtre, danse, mime, audiovisuel… Il s’adapte à l’évolution de la société et à l’ouverture sur le monde. Le théâtre marocain est devenu une vitrine ouverte sur le monde.
D’ailleurs j’ai eu l’occasion d’accompagner et de programmer divers spectacles marocains ces dernières années, en France. Je peux vous dire que tous les spectacles marocains présentés en France ont reçu un énorme succès, ce qui crée un brassage culturel entre les Marocains résidant en France et les Français.
J’espère que l’Etat marocain va continuer à soutenir cette création foisonnante.

Que faites-vous quand vous ne montez pas des spectacles?

Quand je ne monte pas de spectacle, ce qui est rare, je donne des formations et je me forme moi aussi. Je lis, je voyage, je vais au théâtre. Je vais à la rencontre des cultures grâce à la curiosité qui m’anime. Et ma ressource culturelle, je la trouve dans la nature, dans la rencontre avec des artistes de différents horizons…

Quels sont vos projets ?

Je monte actuellement une nouvelle création avec la troupe de l’Incertitude du CNRS : Les rustres de Goldoni, avec une tournée à l’appui.
Je monte un spectacle sur les 80 ans du CNRS.
Je projette de monter une comédie musicale avec des scolaires et des habitants et des artistes bordelais dès septembre.
Je vais monter une grande rencontre jeunesse avec des matchs d’improvisation théâtrale sur la commune d’Artigues près de Bordeaux.
Je vais monter un Marathon des arts avec différents établissements scolaires.
Je vais continuer à développer les matchs d’improvisation théâtrale en direction des lycéens.
Je serai en résidence artistique en mai à Rabat sur l’invitation de l’association Issil, à l’initiative de mon ami Saïd Aït Baaja, responsable de cette association.
Et je suis déjà dans l’énergie de préparer un nouveau festival Scènes d’accueil en 2023.

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