Culture

Chardonnerets : Des maîtres chanteurs menacés

© D.R

De tout temps, le chardonneret élégant «le M’qinine» a suscité les convoitises les plus inouïes. Pour certains, il est l’oiseau référentiel du chant tellement il est capable d’exécuter une dizaine de mélodies et de sonorités avec allégresse, aisance et grâce. Un récital parfait et charmeur qui le distingue, entre autres, du canari. Pour d’autres, il est prisé pour la couleur diversifiée de son pelage. Des couleurs chatoyantes aux multiples variétés : un noir auréolé de rouge domine surtout la tête et lui procure une sorte de crinière écarlate. C’est, d’ailleurs, le trait distinctif entre le mâle et la femelle. Le brun, le jaune doré, ainsi que d’autres teintes dérivées dans la gamme argentée couvrent le dos. La queue est souvent noire émaillée de blanc vivace, alors que le croupion est gris clair ou blanc. Avec de tels attraits, impossible de ne pas succomber aux charmes de ce maître chanteur au sens propre qui enchante l’homme et initie les oisillons qu’on prépare pour les concours de chant. Le chardonneret est un oiseau grégaire et d’accompagnement. Élevé dans des cages de différentes formes, il peut aussi s’adapter à des cages espace-nature dans des jardins privés. La région orientale est considérée par les ornithologues comme le lieu de nidification privilégié du chardonneret (variété du chardonneret d’Afrique du Nord). Il niche surtout dans la plaine de Sidi Maâfa, l’oasis Sidiyahia, la région de Tinssayine, la région de Nador, à Selouane, Rass El Ma, mais aussi à Laâyoune et à Guercif. Ces passereaux procréent également dans les plaines du Saïss et Sebou et aussi dans la région de Tanger- Larache. En captivité, le chardonneret s’accouple essentiellement avec des canaris pour donner naissance à une espèce très convoitée : le Mistou. Cet oiseau croisé est très apprécié pour ses romances douces et fortes en tonalité. «Le Mistou est en mesure de réaliser jusqu’à treize mélodies en un temps record», explique à ALM Ahmed Didouh, éleveur d’oiseaux. Et pourtant, l’oisillon du chardonneret est vendu à des prix dérisoires. On peut le procurer à partir de 20 DH au marché des oiseaux tenus chaque dimanche à Oujda. Et ce n’est pas tout car la surprise est de taille lorsqu’on saura que cet oiseau est menacé d’extermination et qu’il fait l’objet d’un braconnage sans répit. Il est même exporté de manière illégale vers l’Algérie et l’Espagne via le préside occupé de Melilla. Au-delà des frontières, cette espèce d’oiseaux est vendue à des prix astronomiques. Les chardonnerets qui font l’objet d’un commerce illicite sont exportés vers l’Algérie par des contrebandiers spécialistes dans le trafic des oiseaux. Lorsque ces «convois» en centaines ou en milliers sont appréhendés par les services de la protection des oiseaux en Algérie, ils sont relâchés dans la nature à Maghnia, Hammam Boughrara, ou dans la réserve algérienne du Moutass. Mais s’ils arrivent à échapper à la vigilance des gardiens de la nature, ils peuvent arriver jusqu’en France. Ironie du sort : les chardonnerets qui nidifient au Maroc ne sont pas protégés par une loi interdisant leur chasse illégale, alors qu’ils le sont dans les pays de destination, à savoir l’Algérie, l’Espagne et la France. Constat qui a poussé Abdelhak Zahouily, président de la fédération royale marocaine des éleveurs d’oiseaux, à interpeller les instances officielles pour décréter des lois protectrices pour les oiseaux menacés d’extermination. «Sans lois organisatrices du monde magnifique de l’ornithologie, le Maroc risque de perdre plusieurs espèces d’oiseaux qui ont de tout temps fait la richesse de sa faune», a-t-il déclaré à ALM. «Certes, le Maroc a ratifié la convention de Washington pour la protection des passereaux, mais il ne l’applique pas, en dépit de nos multiples requêtes auprès des Directions provinciales de l’agriculture et des délégations du Haut commissariat aux eaux et forêts», note Mohammed M’sali, membre de la Fédération mondiale d’ornithologie. Et d’ajouter : «ces services doivent s’impliquer davantage aux côtés des associations qui sensibilisent à l’importance de sauver les espèces qui sont en voie d’extermination». Ceci dit, les chardonnerets sont à procurer à partir de 20 DH et peuvent dépasser les 500 DH pour les confirmés en chant. Quant au prix du Mistou, qui est le fruit d’un accouplement entre un chardonneret mâle et un canari femelle, il oscille entre 150 et 200 DH, alors qu’un maître incontesté en gazouillement peut être vendu à plus de 2000 DH. «Ces prix sont déterminés par des critères de sélection qui se rapportent au chant, à la couleur et l’élégance de l’oiseau sur le perchoir», précise Mohamed Miri, vendeur de la place. Des prix qui peuvent flamber en commerce illicite, notamment pour les contrebandiers qui sont très actifs dans le commerce du chardonneret. Les passereaux sont chassés et entassés dans des caissons ou boîtes en carton avant qu’ils soient acheminés vers la ville frontalière algérienne Maghnia (ville située à 26 Km d’Oujda). Un chardonneret vendu à Oujda à 30 DH est acheté à moins de 300 DA à Maghnia. Une fois au marché d’El-Harrach (wilaya d’Alger), il peut facilement atteindre les 4000 DA. Le prix du Mistou est plus cher du moment qu’il peut avoisiner les 6000 Dinars à Alger et atteindre les 1000 Euros à Marseille s’il arrive à traverser la méditerranée. Pourtant, il n’y a pas que le braconnage, la contrebande ou la capture massive du chardonneret qui menacent cette espèce. Les cycles de sécheresse ont aussi impacté négativement sur les populations de chardonnerets : le manque de cours d’eau, de jardins verdoyants, de nature verte pour une longue période de l’année ne contribuent pas à la sauvegarde de cette espèce qui est menacée dans tous les pays du pourtour méditerranéen. Pour contribuer à la sauvegarde de cet oiseau, tout en canalisant les efforts d’amélioration de cette race, l’association des éleveurs d’oiseaux d’Oujda vise à développer la connaissance du public de la faune par l’organisation des concours annuels et l’organisation de campagnes de sensibilisation notamment auprès des jeunes. Ces derniers, par ignorance ou insouciance, peuvent aussi porter le coup de massue à cette espèce. Précisons, par ailleurs, que la nourriture de ces oiseaux est constituée de graines d’alpiste : 14 DH le kg; de graines de Niger : 16 à 26 DH le kg; de graines de Navet : 13 DH le kg; de graines de lin : 16 DH le kg.

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