Culture

«Chicago» d’Al-Aswani fait un tabac

© D.R

«De mes livres sortent des bombes et les tabous volent en éclats dans les  vies sur papier», affirme al-Aswani qui sépare son oeuvre "sans message" et son  engagement politique de gauche contre le régime Moubarak. Son nouveau roman «Chicago», qui raconte les conflits et les contradictions d’Egyptiens partis  aux Etats-Unis, est devenu un événement littéraire dans la frange de l’élite cultivée, et il a suscité l’ire de cercles islamistes. Selon son nouvel éditeur, Dar al-Chorouk, 13.000 exemplaires ont été vendus  en un mois, ce qui constitue un succès dans ce pays de 72 millions d’habitants où le tirage  d’un roman dépasse rarement 2.500 exemplaires. Phénomène littéraire, le "Yacoubian" s’est vendu en 5 ans à 200.000 exemplaires dans le monde arabe, et plus en Europe sur un an, dont 130.000 en  France et 80.000 en Italie. Traduit en 16 langues, il a été adapté pour un film  à succès. La sortie de «Chicago» coïncide avec le Salon du livre du Caire, le plus  important en quantité du monde arabe, où les deux millions de visiteurs attendus se  voient proposer en grande majorité des ouvrages islamiques, voire islamistes.
«Quelle misère de pensée exploitée par le pouvoir mais aussi quel business  !", s’exclame Alaa al-Aswani, pour qui "le wahhabisme, ce fondamentalisme venu  d’Arabie saoudite, c’est la nouvelle plaie de l’Egypte, loin de notre tolérance". Si "L’immeuble Yacoubian» évoque la montée de l’Islam et la corruption politique dans l’Egypte moderne, c’est aux Etats-Unis que ses personnages entrecroisent leurs destins, sous le regard de l’Occident, dans "Chicago".  Après ses études au Caire, pétri de culture française, il poursuivit lui-même sa formation de dentiste à l’université de l’Illinois, à Chicago, «un  microcosme cosmopolite que j’ai quitté pour écrire dans mon pays et dans ma  langue».  Sur fond d’une vision critique d’une Amérique décrite comme "raciste", ses  personnages égyptiens, des étudiants, des professeurs, ne sont pas pour autant  les "bons" confrontés aux "méchants" américains.
"J’aime mes personnages pas les stéréotypes : ils m’échappent, et dans tous  j’éprouve des contradictions, les êtres humains sont les mêmes des deux côtés",  enchaîne cet admirateur de Balzac, Hemingway et Laurence Durrell.
Après avoir confronté, dans «L’immeuble Yacoubian», ses lecteurs avec le  tabou de l’homosexualité, il leur raconte ici, au risque de les choquer, l’amour complexe entre une jeune juive américaine et un jeune musulman égyptien.
«Des juifs, j’en ai côtoyé à l’école. Ils nous sont proches, me disait mon  père, un écrivain», dit Alaa al-Aswani, pour qui "on ne peut pas jouer avec  l’Holocauste : c’est une tâche dans l’histoire de l’humanité". «Si je critique radicalement Israël, ce n’est pas contre les juifs : les  Israéliens seraient hindous, cela serait pareil , si je dénonce l’Arabie saoudite, ce n’est pas contre les musulmans, je le suis», ajoute-t-il. A parcourir les stands du Salon du livre, cette distinction est exemplaire, tant sont offerts à profusion des livres antijuifs et révisionnistes, de Mein  Kampf de Hitler à d’innombrables opuscules islamistes. al-Aswani décrit aussi les affres amoureux et sexuels d’une étudiante voilée,  originaire d’un village du Delta. «Les fanatiques m’ont inondé de mots d’insultes : un lecteur sur dix, je me dis que c’est peu». Membre de "Kefaya", un mouvement d’opposition "symbole", il ne manque pas  de railler dans « Chicago », sans le nommer, le président Hosni Moubarak qui «joue  double jeu avec les islamistes». A 50 ans, devenu célèbre à l’étranger, intouchable en Egypte, il n’entend plus désormais s’arrêter d’écrire, ni d’être dentiste: «Je soigne des dents, et  surtout des gens , ils me le rendent bien pour mes romans».

Alain Navarro (AFP)

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