Entretien avec Sarim Fassi Fihri, directeur du Centre cinématographique marocain
[box type= »custom » bg= »#eeedeb » radius= »5″]La crise sanitaire a freiné l’élan de nombreux secteurs au Maroc dont le secteur cinématographique. Sorties de films reportées, tournages annulés, salles de cinéma fermées, l’impact est énorme. Le directeur du CCM livre à ALM les secteurs les plus sinistrés et dévoile les mesures qui pourraient être mises en place pour préserver l’industrie.
[/box]ALM : Comment se porte le secteur cinématographique actuellement ?
Sarim Fassi Fihri : Le secteur est désormais complètement à l’arrêt et donc totalement sinistré. Plus de cinquante sociétés de production ainsi que les salles de cinéma sont immobilisées. Les plus touchés malheureusement sont les techniciens qui travaillent dans l’industrie du cinéma (opérateurs, éclairagistes, machinistes, régisseurs, maquilleurs, coiffeurs, costumiers, décorateurs, accessoiristes, etc.), les artistes (scénaristes, réalisateurs, comédiens, etc.). Ajoutez à cela ceux qui travaillent dans l’informel et qui ne sont pas détenteurs de la carte d’identité professionnelle du CCM, ainsi que les sociétés de production qui ont interrompu leurs tournages. Comme chacun sait dans la profession, une reprise de tournage peut engendrer des coûts supplémentaires qui peuvent atteindre 30 voire 40% du budget. Il y a aussi les sociétés qui ne pourront pas honorer les commandes reçues des chaînes de télévision pour le Ramadan et les festivals prévus au mois de mars et qui ont été annulés au dernier moment. Je peux citer le festival de Tétouan et le FICAM de Meknès et qui avaient totalement préparé leurs événements et avaient donc engagé des dépenses qui vont vraisemblablement être perdues.
J’ai une pensée aussi pour les industries techniques, à savoir les loueurs de caméra et d’équipements cinématographiques qui ont tous des crédits et du personnel et qui sont tous à l’arrêt. Et j’ai laissé le pire pour la fin, à savoir la production étrangère ayant généré un chiffre d’affaires de près de 800 millions de dirhams en 2019 et qui va subir sans aucun doute le contrecoup de cette crise sans précédent.
Avez-vous évalué l’impact réel de la crise sur l’industrie cinématographique?
Les évaluations se feront après le confinement… car on ne sait pas combien de temps cela va durer. Bien entendu, ces évaluations se feront avec les professionnels.
Selon vous, quelles seront les mesures qui pourraient être mises en place pour préserver le secteur ?
La mesure essentielle et la première est celle de maintenir les fonds de soutien au secteur, avec leurs valeurs actuelles, car c’est de ces fonds que dépend une profession qui fait travailler et qui fait vivre plus de 3.000 personnes avec leur famille, soit 10 à 12.000 personnes. Pour le reste, je préfère d’abord me concerter avec les professionnels.
Le virus fait tomber les grands festivals du monde les uns après les autres. Mais, il y a quelques manifestations cinématographiques ayant opté pour une diffusion online, telles que le festival de Gabès en Tunisie. Que pensez-vous de ce genre d’alternative ?
Oui le festival Gabès Cinema Fen a mis les films en compétition online. Mais, il faut savoir que pour une histoire de droits tous les films ne sont pas visibles en dehors de la Tunisie… ce qui peut, tout de même, être compliqué quand vous organisez un festival international.
Pensez-vous que la reprise sera rapide ou est-ce qu’il faudra du temps pour que les choses reprennent leur cours normal?
Tout dépend de l’évolution de la situation sanitaire car à partir de la fin du confinement il y aura certainement une période supplémentaire avant que les gens n’aillent au cinéma ou aux festivals, que le secteur cinématographique reprenne son activité normale, et que les frontières s’ouvrent à nouveau aux producteurs étrangers.