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Markus Schleinzer : «L’idée de coproduction est devenue importante pour les films»

© D.R

Entretien exclusif avec Markus Schleinzer, réalisateur autrichien

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Rencontré dimanche soir au musée Yves Saint Laurent de la ville ocre à l’issue de la projection de son film «Angelo» dans le cadre du 17ème Festival international du film de Marrakech qui se tient jusqu’au 8 décembre, le cinéaste accepte de se livrer exclusivement à notre jeu de questions-réponses. Cet entretien a pu être possible de par l’initiative louable de la fondation du festival en programmant des projections dans ce musée somptueux qui permet un échange direct entre les artistes et le public ainsi que les médias. Au lendemain de la projection de son film, nous avons pu l’interviewer juste avant de prendre l’avion pour son pays.

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ALM : Quel sentiment avez-vous nourri en participant au festival ?

Markus Schleinzer : Je n’ai jamais été à ce festival. C’est la première fois que j’y viens. Par l’occasion, j’ai appris qu’il y a eu un changement d’équipe de cette grand-messe cinématographique. Entre-temps, je ne peux pas faire de comparaison entre cette édition et celles précédentes. Pour ma part, il est prématuré de livrer des impressions autour de cette édition puisque nous sommes, en ce moment où nous sommes en train de parler, au début de cette manifestation. Donc je ne peux pas dire si l’équipe fait du beau travail ou non. Ce qui m’honore c’est que mon histoire, parlant d’un personnage à la peau noire, est portée de l’Europe jusqu’à ce festival de Marrakech, est la première de mon film au continent africain. J’ai aussi apprécié l’idée que le public soit intéressé et composé de différentes catégories. C’était un miroir intéressant de la combinaison sociale de jeunes, adultes, hommes, femmes et différentes ethnies. Un grand public est resté pour la discussion intéressante, ce qui était également un honneur pour moi. Il est aussi intéressant de trouver de nouveaux espaces pour les projections. Le musée avec la mode d’Yves Saint Laurent peut aussi être la bonne place pour la musique et la danse ou encore le cinéma.

Parlons un peu du film. Qu’est-ce qui vous a incité à parler d’un enfant africain qui débarque en Europe pour être élevé dans un milieu aristocratique ?

D’abord, je suis toujours intéressé par des histoires étranges pour la société parce que je trouve que la manière dont on traite les étrangers est un «sismographe» assez important de notre société. Si nous sommes capables de les prendre avec nous, leur donner une place, vivre avec eux et les laisser vivre parmi nous, cela tient à la société. Dans mon film, le personnage «Angelo» était assez différent dans une société autrichienne et dans un Etat de l’âge des lumières depuis son arrivée jusqu’à sa mort. Je suis intéressé par les histoires où les personnes sont différentes ou se sentent ainsi ou encore semblent l’être parce que je ne sais pas ce que cela signifie si quelqu’un est différent parce que nous sommes tous différents les uns des autres.

Nous avons tous des sentiments à l’égard d’une histoire déterminée. Quel lien avez-vous avec celle de votre film ?

Cette histoire d’Angelo Souleimane, je suis familier avec depuis mon enfance parce qu’il est connu en Autriche. Dans  certains cafés de mon pays, vous pouvez voir la silhouette et le visage d’un homme à la peau noire. Ce n’est pas joli à voir et c’est raciste. Après avoir terminé mon premier film, je pensais au suivant. Entre-temps, il y avait une exposition dans un musée autrichien à propos de cette  personne. Je l’ai ratée pour avoir été en Allemagne afin de travailler sur un film. Quelques années après, j’ai trouvé dans une librairie un catalogue de cette exposition et je me suis dit que je pourrai bien apprendre des choses à propos de lui. Dès lors, je me suis dit que ce sera le prochain film parce que l’histoire et l’intrigue sont intéressantes. Ce qui est bien de la filmer. C’est une histoire belle et triste à la fois. Elle permet de travailler avec différents costumes et techniques. Son histoire portait aussi une question d’une personne différente qui m’intéresse. Dans notre temps, cette question de différence ne va jamais changer parce que cela a pris environ 300 ans jusqu’à ce que la situation d’autres ethnies en Autriche devienne plus facile pour elles.

C’est donc une histoire humaine. Comment  définissez-vous l’humanisme ?

Nous sommes tous des êtres humains. Pour ma part, je m’intéresse à l’humanisme et je pense que toute vie humaine a une valeur. Si ma liberté personnelle enlève celle d’une autre personne, cela ne m’intéresse pas. Aussi, j’essaie de vivre de manière à ce que les autres aient leur liberté.

Vous traitez la question du racisme dans votre film. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?

Au début de mon film, tout est bien. La comtesse a eu l’idée que le garçon est un être humain parce qu’il a appris les règles européennes même si l’empire dit qu’il existe d’autres noirs en Autriche et qu’ils peuvent vivre ensemble. Dans mon pays, quand les gens parlent d’Afrique, ils ont l’impression que c’est un pays et non un continent. C’est pour dire que même si une personne vit dans un pays riche, de mauvaises choses peuvent arriver. Plusieurs personnes en Autriche utilisent le mot «nègre», quand j’étais jeune nous utilisions ce mot et c’est dur de l’accepter. Mais les temps ont changé. Ce n’est pas plaisant de parler à quelqu’un de la manière.

Quelle a été votre démarche pour réaliser «Angelo» ?

Dans ma réalisation, j’ai essayé de faire un film difficile à voir. Pour avoir un seul mauvais homme dans un film, c’est facile et vous pouvez le détester mais si vous voyez les gens qui peuvent comprendre et près d’aimer parce qu’ils se battent pour le faire, cela devient plus difficile. Je fais seulement des films quand je peux penser moi-même. C’est facile de dire que cette personne est mauvaise ou un monstre qui n’est pas réel, distinct. Le film est aussi à propos de l’apprentissage, je peux apprendre seulement des choses qui sont proches de moi et non distantes. Je préfère ne pas avoir de distances dans mes films en traitant les personnages mais de simples humains.

Que faites-vous en plus de la réalisation de films ?

J’ai commencé en tant que directeur de casting. Je travaillais sur les films d’autres réalisateurs autrichiens, allemands et internationaux. Je suis également professeur en  réalisation de films à l’université. J’enseigne de jeunes réalisateurs à l’académie de films à Vienne. C’est ma quatrième année. C’est pourquoi je dois partir parce que nous avons des tests. De temps à autre, je suis metteur en scène et acteur. J’essaie d’être un artiste.

Envisagez-vous de revenir l’an prochain ?

Je compte revenir. Comme je n’ai pas de film à présenter au festival, je viendrai en tant que «touriste de films» parce que je suis intéressé de séjourner dans un endroit comme cet hôtel où nous sommes en train de parler bien que je haïsse le mode de vie touristique. Cela peut être un autre endroit comme celui-là mais marocain à proprement parler. J’essaierai de m’installer selon un mode libre pour voir plusieurs films de cette partie du monde.

Quelle idée avez-vous du cinéma marocain ?

Il est connu pour les coproductions  parce que les gens aiment venir ici et lancer des films puisque le pays est très beau . Nous avons plusieurs paysages différents ici avec des montagnes. C’est tout ce que je sais.

A votre avis, comment le cinéma marocain peut-il gagner en renommée mondiale ?

Je ne connais pas la valeur attribuée par le gouvernement par an aux réalisations. Pour ma part, mon pays est très petit et nous n’avons pas beaucoup d’argent pour faire des réalisations. Par exemple, mon film «Angelo» était également une coproduction. Ce système de coproduction est devenu assez important avec l’Allemagne. Le mien c’est une coproduction avec le Luxembourg et la France. C’est pourquoi le film est partiellement en français. Cette idée donc de coproduction est devenue importante pour les films. J’ai appris que le fait d’avoir assez d’argent n’est pas la meilleure chose. Dans mon film, je n’avais pas assez d’argent. Mais toute ma famille a travaillé sur les costumes et la poterie aux fleurs. C’est une chose que ma mère faisait.

Une festivalière rencontrée après la projection nous a indiqué que la traduction n’est pas fiable. Qu’en dites-vous ?

Pour ma part, j’ai fait ma propre traduction qui est bonne et précise. J’ai écrit le script moi-même et j’ai utilisé seulement un langage simplifié. Quand j’utilise une langue, j’essaie de la rendre plus précise, claire et compréhensible. En tout cas, je vais revoir cela.

Quelles remarques avez-vous faites à propos du festival ? 

Je pense que le festival doit apprendre que la mesure impactant les Anglophones ne va pas marcher. Je trouve que le français reste dominant au Maroc. Je pense que sans une bonne traduction française, cela ne va pas marcher.

Un dernier mot…

Je pense avoir fait mon travail. Maintenant le film appartient au public qui le regarde. Ce ne sera pas le même film aux yeux de tout un chacun. Il est bien quand le film se concentre sur les histoires, son propre cœur sans tenter de plaire aux autres. C’est comme ça que ça marche.

Nous sommes des êtres humains, nous avons les même sentiments, nous avons besoin d’amour, d’amitié et de sécurité. C’est ce qui nous lie. Se retrouver dans le film, c’est ce que j’apprécie. Par l’occasion, je pense que le fait d’accorder trop d’interviews rend le film plus petit.

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