Cinema

Othman Naciri, réalisateur, cinéaste : «J’ai davantage envie d’explorer l’être que l’avoir»

© D.R

Récit d’un cinéaste, marocain avant tout, bloqué à l’étranger

Depuis le déclenchement de la pandémie, Othman Naciri se trouve bloqué en Espagne avec sa petite famille. Ayant sécurisé sa survie, l’artiste a pu trouver dans ses retranchements et ses états d’âme les plus durs une inspiration profonde pour un nouveau film. L’homme a bien voulu nous laisser rentrer un instant dans sa vie pour dévoiler le ressenti d’un artiste résolument convaincu que le monde a changé ! 

Le réalisateur Othman Naciri fait partie des Marocains bloqués à l’étranger. Si l’expérience de l’artiste est plus soutenable que d’autres, la situation demeure inédite. Dans la peau de l’artiste, Othman est passé, en effet, par bien des états d’âme à l’instar de toute personne bloquée, sans visibilité, dans un pays autre que le sien. Le cinéaste était parti se ressourcer, quelques jours, avec sa femme et sa fille âgée de deux ans, en Andalousie, plus exactement à Mijas, près de Malaga, avant de reprendre le travail. Ce qui devait être une escapade est devenu un retranchement sans limitation dans le temps.
Dérouté lors de l’annonce de la fermeture des frontières, Othman a essayé de prendre les choses avec poésie, laissant ses sens se révéler… Mais la réalité le rattrapa. Une rallonge de son séjour de trois jours à l’hôtel où il se trouvait lui permit de penser, très rapidement, à une solution d’hébergement à plus long terme. En fait, il pensait que la situation allait durer deux ou trois semaines… L’énergie positive appelant de bonnes nouvelles, c’est à Marbella qu’il trouva une maison d’un couple d’amis pour y vivre.

Et c’est ainsi que sans attendre les services consulaires, trop débordés, compte tenu des urgences à traiter, l’artiste trouva, fort heureusement, une situation confortable, avec sa petite famille. Et c’est une chance, il en est conscient. Ceci dit, l’expérience qu’il est en train de vivre le marquera à jamais. La vie aussi dangereusement exposée ; l’artiste le percevra, bel et bien. «Au début c’était très dur émotionnellement, on voyait les cas s’accumuler, et on réalisait qu’on était dans ce qui était à l’époque le pays le plus touché au monde…

On a eu des mois de mars et avril froids et pluvieux. Ça n’aidait pas pour préserver notre moral. C’est drôle parce qu’on perçoit les côtes marocaines depuis le lieu où je me trouve, sans pouvoir y aller. Heureusement, je me trouve avec ma femme et ma fille», témoigne, en effet, Othman.
Sans avoir rencontré d’autres Marocains, le fait de voir des voitures immatriculées au Maroc lui rappelle au quotidien qu’il n’est pas seul dans cette galère et qu’il en sortira bientôt. Inscrit, en effet, sur la liste consulaire des Marocains bloqués à l’étranger, Othman attend le rapatriement avec la même intensité que ses autres compatriotes.

En attendant, les réseaux sociaux l’aident à tenir, gardant le contact avec les amis et les membres de la famille. L’échange est important. Othman en est conscient et son moral est au beau fixe. Car il est conscient que le Maroc a géré la crise de manière exemplaire. «Je peux comprendre que le confinement soit dur émotionnellement. J’ai envie que les gens gardent en ligne de mire la fierté de sentir qu’ils ont tous participé collectivement à l’effort d’une belle reprise, car elle est proche», affirme-t-il, en effet, en direction de ses frères et sœurs marocains d’où il se trouve encore.

L’homme ne se voit pas comme une victime mais plus un otage d’une situation qui sera bientôt derrière lui. Et même si son entreprise a été mise en veilleuse, depuis le début de la crise sanitaire, il s’efforce de continuer à expédier à distance les projets déjà entamés. Les autres demeurant suspendus jusqu’à une date ultérieure.
Mais ce qui est sûr, selon lui, «c’est que cette crise est inédite et peut inspirer, par son caractère totalement fou, énormément de poésie, et d’idées créatives… Je pense que, par sa capacité à pousser à la réflexion, au recul et à l’introspection, cette crise a permis à toute la population d’explorer ce que c’est qu’être un artiste».
Au-delà, sa situation personnelle est tellement incroyable qu’elle est devenue très vite inspiratrice d’un film! L’artiste laissera, bientôt, s’exprimer son imagination, ses ressentis et ses convictions propres… En attendant, il essayera de tirer le maximum d’ondes positives d’une situation qui semble plus sereine en Espagne.

Le déconfinement actuel, progressif, signe, en effet, une baisse notable des cas de contamination, au grand soulagement de la population. Les terrasses de café et restaurants, désormais ouvertes, contribuent, petit à petit, à redonner vie à un pays connu pour une ambiance bien détendue. Personne ne contredira Othman qui oubliera, même, par moments, qu’il se trouve bloqué. Au-delà, cette expérience qui lui a valu bien des retranchements bousculera totalement ses priorités. «Je crois que j’ai davantage envie d’explorer l’être que l’avoir. Cette crise nous a détachés du matériel, dans la mesure où elle nous a obligés à vivre avec peu pendant un bon moment.

J’ai plus que jamais envie de continuer à faire du cinéma et partager des émotions fortes avec le public».
Le réalisateur est, en effet, convaincu que «chaque situation est un enseignement qu’il faut savoir écouter. Car cette crise l’a, plus que jamais, prouvé».
Le témoignage d’Othman Naciri est édifiant. Il ouvre le débat sur l’introspection. Il valorise le silence qui permet de reconsidérer la mission première de l’être humain sur Terre. Et si le matériel fait toujours parler de lui dans les stratosphères, ce n’est pas pour autant que le spirituel est à écarter. Car en temps de crise tout est à reconsidérer. Les solutions partent dans l’élévation intellectuelle mais également spirituelle. Tout est dit. La boucle est bouclée.

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Bio express

Othman Naciri est né en 1981 au sein d’une famille d’intellectuels, ce qui dès ses premières années d’école, lui permet de manifester un grand intérêt pour l’art, la littérature et le cinéma. Diplômé de l’Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle de Paris, en 2004, il écrit et réalise de nombreux films et publicités (documentaires, long métrages, courts métrages) sélectionnés et primés dans plusieurs festivals internationaux. L’artiste collabore régulièrement à différents jurys de festivals, chroniques, tribunes et conférences au Maroc et à travers le monde. Son prochain long métrage «Le sens des choses» est en cours… La pandémie lui en a inspiré un autre.

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