Comment êtes-vous devenue actrice ?
Je suis née actrice ! (rires). Le jeu mais également le chant sont deux passions qui, depuis mon jeune âge, ont façonné ma vie. Si le public connaît plutôt mon côté d’actrice, rares sont ceux et celles qui savent que j’ai un réel talent de chanteuse. Et rappelez-vous, j’ai déjà chanté dans Motrebate Al-Hay, pièce théâtrale que j’ai jouée en 1992, sur la deuxième chaîne. Il faut dire que mon talent d’actrice a été aiguisé au Lycée Chawki, avec le professeur Touimi qui nous faisait jouer plusieurs pièces théâtrales par an. J’ai également participé, en 1969, à une émission de télé, Kabla Al-Imtihane. C’était la première fois où je mettais les pieds dans le Studio Aïn Chok à Casablanca. Fin 1969, j’ai intégré la troupe des frères Al Badaoui avec laquelle j’ai joué ma première pièce théâtrale, Le bourgeois gentilhomme. Dans cette pièce, j’ai interprété le rôle d’une danseuse.
Mais votre révélation a été plutôt avec Wlidate Zenka, une pièce…
Wlidate Zenka est une adaptation de la pièce Les Plaideurs, de Jean Racine et qu’on doit à Al Ghali Alami. C’était en 1970. Cette pièce a été tellement admirée que la troupe a décidé d’organiser une longue tournée au Maroc. Malheureusement, je n’ai pas pu prendre part à cette tournée parce que ma famille s’opposait, à l’époque, à toute idée de carrière artistique. Et donc c’est une autre comédienne qui a assumé mon rôle loin de Casablanca. Mais les choses ont vite changé, et j’ai pu faire la tournée avec la troupe lorsqu’elle s’est déplacée en Algérie.
Comment avez-vous débuté dans la télé ?
Dès le début de la télé (rires). Mon premier feuilleton remonte à 1974, et c’était Min Ajli Al-Hayat. Dans les feuilletons, j’étais toujours la jeune première et Aïcha Sajid, elle, campait les rôles de composition. Ma carrière compte de nombreux feuilletons et également des télé-films. Wa Tastamer Al-Hayat, un télé-film produit en 1992, a marqué un tournant dans ma carrière où j’ai commencé à travailler avec d’autres professionnels.
Qu’en est-il pour le cinéma ?
Mon premier film date en fait de 1974, et c’était Assamte Fi Al-Itijah Al-Mamnouâ (Silence, sens interdit), avec le chanteur Abdelhadi Belkhayat. Vous ne pouvez pas imaginer le succès qu’a connu ce film. C’est inimaginable. Il faut dire que j’ai négligé le cinéma au profit du théâtre et de la télévision. J’ai également joué dans Zenkate Al-Kahira de Mustapha Darkaoui, dans Ouled Derb de Saïd Naciri et dans Aouchtane avec Mohamed Ismaïl. J’ai eu aussi un rôle dans le dernier film de Daoud Oulad Sayed, Voyage à Tarfaya.
Du théâtre à la télé, en passant par le cinéma, vous avez récemment fait dans la sitcom. Le bilan de R’bib connaît plus de bas que de hauts. Quelle conclusion avez-vous tiré de cette sitcom ?
C’est ma première expérience dans le genre sitcom et j’ai accepté d’y jouer parce que R’bib a été entouré d’une excellente équipe. J’ai apprécié et sondé moi-même la réaction des gens, pendant le Ramadan, sur R’bib. Dans la rue, j’ai parlé, j’ai discuté avec de nombreux téléspectateurs, et le constat a été aux antipodes de ce qui a été dit et écrit. R’bib a plu. C’est vrai qu’il y avait des épisodes qui n’ont pas plu, mais il y en avait d’autres, qui ont suscité des applaudissements. Et puis cela, vous savez, dépend aussi du goût de chaque téléspectateur, et les goûts ne se discutent pas.
Vous traînez derrière vous une carrière de plus de 30 ans, comment trouvez-vous cette jeune génération d’acteurs ?
De nos jours, il est difficile de bâtir une carrière et de jouir d’une certaine notoriété. Heureusement, je ne suis pas de cette jeune génération qui a du mal à trouver du travail et qui se contente d’une seule apparition annuelle lors du Ramadan. Ma génération, par contre, avait plus de chances et d’opportunités pour mener à bien une carrière dans ce domaine. Mais bon courage quand même à nos jeunes actrices et acteurs.
Chances et opportunités, que voulez-vous dire exactement ?
D’abord,il n’y avait qu’une seule et unique chaîne de télévision. Le téléspectateur des années soixante et quatre-vingt n’avait pas d’autres choix, et de ce fait il ne pouvait que regarder ce que nous faisions. Il n’avait aucun choix de zapping comme aujourd’hui. Les choses ont beaucoup évolué et le fait de se balader entre les satellites et les chaînes rend la tâche de plus en plus ardue pour les jeunes acteurs. Mais ce qui me réconforte, c’est que les Marocains tiennent toujours à regarder la fiction nationale. La preuve ? l’engouement pour les séries et feuilletons marocains durant le Ramadan.
Mais pourquoi, à votre avis, n’arrive-t-on pas à installer un tel engouement de façon pérenne?
C’est normal qu’on ne soit jamais arrivé à rassembler tant de téléspectateurs sur une fiction marocaine le reste de l’année ! Quand on sait que ces productions sont programmées à 19h30, on comprend pourquoi les gens ont du mal à les suivre. Je me demande toujours pourquoi on s’obstine à diffuser des feuilletons étrangers à 13h30, une tranche horaire d’une grande influence qui devrait être réservée aux productions nationales. Il est temps de revoir les grilles de programme de nos deux chaînes nationales. Sérieusement.
N’avez-vous pas pensé, un jour, tirer votre révérence et mettre un terme à une carrière de plus de 30 ans ?
(Silence). Non, je n’ai jamais pensé à cela. Enfin, pas pour le moment. Vous savez, j’ai fait beaucoup de concessions pour continuer dans ce domaine. Je n’arrive pas à concevoir une autre vie autre que celle d’actrice.
Vous travaillez actuellement sur un projet qui vous tient à coeur. De quoi s’agit-il ?
Je travaille sur le scénario d’un feuilleton de 30 épisodes. Lan Nadiî traite des problèmes de la société marocaine et tente, dans la mesure du possible, de trouver des solutions et des suggestions.