Tanjia. Le mot est magique et fait saliver plus d’un, surtout parmi les connaisseurs ou du moins ceux ayant eu la chance de goûter à ce plat hors pair. A l’origine, à en croire quelques sources bien fiables dont la grand-mère de l’auteur de ces lignes, la Tanjia est le plat des artisans. Ces derniers, selon des traditions qui commencent à se perdre avec l’artisanat qui prend du plomb dans les ailes, avaient l’habitude de la préparer la veille de chaque vendredi pour s’en délecter lors des non moins traditionnelles «Nzahat» (promenades). Cela en fait-il un plat de mecs ? Absolument pas. Des familles entières en raffolent et cela se mange de plus en plus entre quatre murs.
D’ailleurs, dans plusieurs villes à tradition culinaire avérée, des bouchers ont fait de la préparation de la Tanjia une spécialité.Y a-t-il un standard pour préparer ce plat ? Un mode unique de faire ? Que non. A chacun sa Tanjia, selon son savoir-faire, mais sa bourse aussi. La «version» qu’on vous présente aujourd’hui est des plus simples, des moins coûteuses aussi.Pour huit personnes, un kilogramme et demi de bœuf peut faire l’affaire sauf si l’on opte pour de l’agneau ou des parties bien précises, mais grasses.
Dans la terrine en terre cuite (forme d’une jarre) qu’on aura bien pris le soin de nettoyer, on mettra les morceaux de viande. Ces derniers doivent d’abord être consciencieusement enduits par une marinade de poivre, sel, piment doux et un peu d’eau. Aux morceaux de viande, on ajoutera des petites pommes de terre dans leur robe, mais soigneusement rincées sinon ce sera immangeable ! Un kilo de petites patates fera l’affaire. Par la suite, on rajoutera des oignons, petits également et entiers. Mais aussi trois têtes d’ail avec, si possible, de grosses gousses en plus d’un demi-verre d’huile de table et un verre d’huile d’olive. Au tout, on rajoutera des morceaux de citron confit et, c’est selon les goûts, un bol de pois chiche trempés auparavant dans de l’eau chaude.
Une fois la viande placée au fond avec les légumes et les épices, on ajoutera de l’eau de manière à ce que le tout soit submergé. Mais attention, il faudra juste mettre le nécessaire. La Tanjia est par la suite couverte de papier de la même marque que celle utilisée pour l’emballage de la viande chez le boucher. L’idéal serait encore de fermer hermétiquement la Tanjia avec du fil de fer. Dans le papier recouvrant la Tanjia, on prendra soin de faire quelques petites incisions : le plat doit respirer.
Arrivons enfin au plus compliqué. Car, pour qu’une Tanjia puisse cuire convenablement, il faut le concours inestimable du «Fernatchi» (rien de terrible, juste le pauvre type chargé de chauffer les bains maures à la traditionnelle !).
C’est ce dernier, moyennant quelques dizaines de dirhams, qui doit garder la Tanjia au chaud, dans les cendres, pour une période ne devant pas être en deçà de six heures. Soit le temps nécessaire pour la cuisson. S’il est encore gentil, notre «Fernatchi» veillera à ajouter de l’eau à la Tanjia si cela s’impose.
Enfin, reste à servir la Tanjia et y «plonger» sauf évidemment pour les gens (trop) soucieux de leur taux de cholestérol. Le plat se mange chaud et la terrine de terre cuite y sera pour beaucoup puisqu’elle garde bien ce délice au chaud. Un thé dans les «normes» fera bien l’affaire après un tel plat qui, tradition oblige, est une affaire collective sauf à Jamaâ El fna autour des fameuses tables. Et cela est une autre histoire.