Culture

Darsi expose dans un souk

© D.R

C’est sans doute la première exposition d’art contemporain dans un souk. Un vrai souk. Avec des tentes à perte de vue, des denrées alimentaires, des insecticides, des pesticides, des raticides, un carré transformé en abattoir, des couleurs chatoyantes, des fqihs, des arracheurs de dents, des dunes d’habits bigarrés, des cris sortant de hauts parleurs perchés sur de longues tiges en métal, des hurlements pour se frayer un chemin, un soleil ardent et des nuages de poussière si épaisse qu’elle teinte de façon uniforme les cheveux des clients. Au souk de Had Oulad Frej, l’artiste Hassan Darsi a transporté son « studio photographique ambulant ». Ceux qui suivent cet artiste contemporain, parmi les plus dynamiques dans le pays, savent qu’il augmente sa série de « portraits de famille » depuis des années. Après Schiedam (Hollande), Casablanca, Cap Town (Afrique du Sud) et Malines (Belgique), il a jeté son dévolu sur souk Had Oulad Frej. Cela n’aurait pas été possible sans la complicité du commissaire de l’exposition, Abdellah Karroum. Ce dernier est obsédé par un concept qu’il appelle « Le bout du monde ». Il convie régulièrement des artistes à sortir des sentiers battus pour l’aventure dans des endroits, réputés très peu pratiques pour des manifestations d’arts plastiques. Plusieurs corps expéditionnaires ont été organisés, en vue de préparer le vernissage du dimanche 12 octobre. D’abord le repérage du souk, ensuite le contact avec les gens, l’aménagement de la tente et les prises de vue qui se sont déroulées pendant trois semaines. Le résultat de ce travail a été montré dans le lieu où il a été réalisé. Ceux qui avaient posé dans le studio de Hassan Darsi ont étrenné la manifestation. Il ne faudrait pas croire que les gens du souk se sont désintéressés de cette exposition. Ils se sont attroupés en masse devant la tente de Hassan Darsi. Leur curiosité a été toutefois moins attisée par l’expo, stricto sensu, que par un groupe de citadins, formé de 29 personnes, qui se sont déplacées de Rabat et Casablanca pour assister au vernissage. Il s’est passé un jeu de regardant-regardé, du plus grand intérêt. L’objet des regards des assistants se déplaçait constamment. Les locaux regardaient de tous leurs yeux les citadins. Un groupe compact s’était même massé devant la tente pour fixer avec une attention religieuse un objet. Que regardaient-ils ? La blancheur des jambes d’une citadine, portant une jupe qui s’était retroussée, et qui jouait avec une désinvolture souveraine une partie de cartes. D’autres reconnaissaient un proche parmi les portraits exposés. Ils voulaient récupérer la photo pour la lui remettre. En peu de temps, la tente de Hassan Darsi est devenue la plus célèbre. On en montrait le chemin des quatre entrées du souk. Il fallait à tout prix la visiter, autrement on se mordrait les doigts le lendemain, lorsque tous les habitants des villages avoisinants ne parleront que de cette manifestation et des visiteurs inattendus de souk Had Oulad Frej. Il ne faut pas toutefois verser dans l’angélisme, en créditant les habitués du souk d’un intérêt esthétique pour la manifestation. Ils ont fait preuve de curiosité, n’ont pas été déboussolé par un médium facile, la photo. Mais de là à saisir la démarche qui sous-tend le travail de Hassan Darsi… Cela dit, il faut louer l’initiative de cet artiste qui a tenu à montrer un travail, appelé à faire le tour de plusieurs villes, dans le lieu où les photographies ont été prises. C’est sans doute sa politesse envers ses hôtes. Quant à la cohérence et à la qualité des portraits, le public pourra les apprécier à Rabat au mois de novembre. Il sera saisi par le kitsch et la subversion qui sous-tendent le travail de Darsi. Dans un décor, formé d’un rideau brodé de fils dorés et un poster représentant un coucher de soleil avec un feuillage de palmier, des campagnards posent sur un tabouret, disposé devant un vase en plastique orné de fleurs artificielles, dans l’attente du cliché. Ils s’apprêtent avec un sérieux cérémonial à cette entreprise, ayant la certitude de vivre un moment rare. En tout cas, ils le communiquent à ceux qui les regardent.

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