C’est évidemment très risqué de vouloir parler du concept d’œuvre d’art en quelques lignes. Mais il fallait au moins commencer –quitte à compléter par d’autres textes plus tard.
L’art contemporain s’est efforcé de faire tomber l’œuvre d’art du piédestal où l’avait placée l’art classique, en incorporant dans l’art tout ce qui n’en faisait pas partie. Cet art surprend par l’audace qu’il déploie pour élever au rang d’art n’importe quel objet -mêlant ainsi tous les repères. Du coup, il est plus difficile de définir aujourd’hui l’œuvre d’art à partir de la beauté, de la raison ou de l’esprit.
Dans l’interprétation classique, on accorde à l’œuvre une certaine majesté dont les objets ordinaires sont dépourvus. L’œuvre d’art y est bien distincte de l’objet utile. On y compare l’œuvre d’art à un monument de l’esprit humain ! Voici ce que pensaient certains philosophes de l’œuvre d’art avant l’art contemporain.
Pour Aristote, la nature qui est une fin en soi est capable de créer des œuvres d’art. Kant, quant à lui, s’efforce de faire la différence entre une œuvre d’art et une œuvre naturelle. Il considère que si la nature produit des effets (de manière inconsciente), elle ne crée pas d’œuvres. L’œuvre d’art suppose une liberté créatrice qui dépasse la fécondité naturelle. Mettant ainsi la «raison» à l’origine de la création artistique.
Kant considère que c’est le créateur de cette nature qui devrait être qualifié d’artiste et non pas la nature ! En considérant ainsi que cette énergie créatrice naturelle est inconsciente, il se différencie de l’interprétation finaliste que donne Aristote à la nature. Pour lui, une œuvre d’art est synonyme d’une œuvre de l’homme – mais sans aller jusqu’à appeler œuvre d’art n’importe quel produit humain. Kant ajoute que l’art est libéral, car l’activité humaine tournée vers la seule technique est contraignante, il lui manque le jeu libre de la création caractéristique de l’art. Hegel nous indique que l’homme, pour accéder à l’art, doit mettre de côté le désir et la sensualité, se faire pure sensibilité et «esprit». L’œuvre d’art serait une manifestation de l’esprit. Pour Kandinsky aussi, l’homme qui se tourne vers l’œuvre d’art est en recherche du «spirituel» dans l’art.
Mais le «spirituel» dans l’œuvre l’art est souvent comparé à la «beauté». En art classique, c’est la beauté qui définit une œuvre d’art comme disait Platon pour qui la beauté, dans son essence, est ce qui rend toutes choses belles à divers degrés, que ce soit dans la nature ou dans l’art humain. Autrement dit, toute chose, à divers degrés, est une œuvre d’art car liée à la beauté !
Remarquez alors que, comme la beauté n’est pas une propriété intrinsèque de l’objet, et qu’elle est dans la sensibilité de l’observateur, n’importe quel objet pourrait jouer ce rôle –un peu comme en art contemporain… La boucle est bouclée !