Culture

Denise Masson, une amoureuse du Maroc

© D.R

Erudite et Islamologue des plus confirmées de son époque, Denise Masson (1901- 1994) a marqué par ses idées, son humanisme et son amour pour le Maroc et pour les musulmans, la mémoire de ceux qui ont eu le privilège de la côtoyer, notamment parmi les riverains de Derb Zemrane dans la médina de Marrakech, où elle s’est installée depuis 1938 dans un riad, qui porte actuellement son nom. Son amour pour le Maroc et pour les Marocains, sa familiarité avec la culture maghrébine et la religion musulmane depuis son bas âge, ont valu à Denise Masson ou la «Demoiselle de Marrakech», comme on préfère la surnommer, d’être respectée et aimée de tout le monde, notamment par les artistes et les intellectuels de la cité et, puis après, par tous ceux qui se sont intéressés à ses travaux et à son parcours. En signe de fidélité à la mémoire de cette grande dame, l’Institut français de Marrakech (IFM) a organisé samedi dernier une soirée en hommage à cette islamologue, au cours de laquelle, Nicole de Pontcharra, poète, écrivaine et critique d’art d’origine russe a présenté «Mademoiselle Masson : lettre à un jeune homme», un livre qu’elle vient de publier aux éditions Tarik (144 pages). C’est donc à la demande de l’IFM, avec le concours de la Fondation de France et le service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France au Maroc, que Nicole de Pontcharra a écrit, en résidence au Riad Denise Masson, ce premier ouvrage consacré à «La Dame de Marrakech».  Cette œuvre littéraire de fiction se compose d’échanges épistolaires entre Denise Masson et un jeune confident soufi, Marcus, au cours desquels l’érudite française sort de sa réserve austère et s’épanche sur ses questionnements spirituels, ses prises de positions politiques courageuses et son goût prononcé pour l’art.
Dans une déclaration à la MAP, Mme de Pontcharra a rappelé que Denise Masson était une spécialiste confirmée de l’Islam et des relations entre les trois religions du Livre, mais qui n’est pas assez connue vraiment du grand public, notant que la proposition de l’IFM a été adressée aux poètes, aux romanciers et à ceux qui étaient capables, à travers une étude de la vie de Denise Masson, des documents qu’elle avait laissés, et de l’imaginaire, de dresser un portrait d’elle. «Ce n’était pas une biographie qui m’était demandée, et ce n’était pas une biographie que j’avais envie de faire», a dit Mme de Pontcharra, faisant savoir que son ouvrage cite les noms d’un certain nombre de personnalités qui ont eu le privilège de vivre près de Denise Masson à Marrakech, comme Paule- Blanche Radius qui l’avait connue de près. Mme Paule- Blanche Radins a tenu à rappeler que Denise Masson fut la première femme qu’elle a rencontrée en arrivant à Marrakech en octobre 1957.  «Moi je chantais derrière cette espèce de détachement qu’elle avait par rapport à tout le monde et cette impression d’être une femme sévère, sobrement vêtue, mais au contraire il y avait derrière cette sévérité apparente de Masson, beaucoup d’humanisme et un cœur plein d’affection. Ce n’est pas seulement Denise la savante et l’érudite mais aussi Denise la femme», a dit Mme Radius, en affirmant avoir entretenu une correspondance avec Mme Masson. Denise Masson est aussi largement connue pour sa traduction du Coran, parue en 1967. Bien qu’elle s’est fortement appuyée sur des traductions déjà existantes, par exemple celle de Régis Blachère, c’est elle qui produit le texte français le plus lisible. Sa traduction reste, jusqu’à ce jour, la plus vendue et une des plus recommandées, surtout en raison de son style fluide et concis et de sa véritable qualité littéraire. C’est sans doute son plus grand accomplissement d’avoir rendu le Coran plus accessible pour le lecteur français. «La parution en 1967 de la nouvelle traduction du Coran par Denise Masson fut un événement remarquable d’autant plus qu’elle a été éditée dans la célèbre collection de la Pléiade de Gallimard et, c’est à ma connaissance, la première traduction du Coran éditée directement par la prestigieuse collection sans passer par les éditions habituelles», a expliqué pour sa part, Mohamed Alaoui Benabdallah, traducteur assermenté à Marrakech. Selon lui, «rares sont les personnes qui pouvaient imaginer que le D. signifiait Denise alors que toutes les multiples traductions du Coran étaient faites par d’éminents orientalistes arabisants», relevant que «la traduction de Denise Masson se distingue par sa simplicité, la mettant à la portée d’un grand public contrairement aux autres traductions qui étaient destinées aux spécialistes et du moins à un public averti». M. Alaoui Benabdallah n’a pas manqué de souligner aussi que cette traduction a fait l’objet au Liban d’une édition accompagnée du texte arabe et revue par le sunnite, feu Cheikh Sobhi Saleh qui l’avait considérée comme l’une des meilleures traductions, sinon la plus fidèle. Denise Masson a consacré trente ans de sa vie pour la réalisation de cette traduction, dont l’éminent arabisant islamologue Louis Massignon écrivait à l’adresse de D. Masson : «Votre patient labeur portera ses fruits» et d’ajouter encore «vous devez avoir achevé cette redoutable traduction, puisse-t-elle montrer toutes les prières d’abandon absolu à Dieu qui y ont été pour moi si précieuses».  Selon M. Alaoui Benabdallah, Jean Grosjean écrivain, poète et traducteur du Coran lui aussi, écrivait dans sa préface à la traduction de Denise Masson : «Le texte coranique est un sacrement : il apporte la grâce de le croire. Sa naissance fut miracle. Est-ce qu’un traducteur peut refaire un miracle ? Il peut du moins, à force de respect pour ce texte, en livrer le reflet. D. Masson  l’a humblement et patiemment essayé et arrivé, par une sorte d’ascèse, à rendre contagieux le mouvement de ce langage». Situé à Derb Zemrane au cœur de l’ancienne médina de Marrakech, le riad où a résidé Denise Masson plus de 60 ans, est considéré actuellement comme l’un des espaces les plus célèbres de la cité ocre à même de servir de lieu de concentration et de médiation pour nombre d’artistes et d’intellectuels, contribuant ainsi au rayonnement culturel de la ville.
Légué à l’Etat français, le Riad Denise Masson est aujourd’hui géré par l’Institut français et accueille des artistes en résidence de création et quelques manifestations ouvertes au public comme le cycle des conférences «Arts au Riad», des colloques internationaux ou encore des ateliers d’initiation aux arts plastiques. Il se veut aussi le siège du «Concours national de la nouvelle noire de Marrakech», lancé par l’Institut français en 2007.

 Samir Lotfy (MAP)

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