Culture

Dentistes ambulants, un phénomène qui menace la santé publique

Des dentistes de nationalité syrienne et algérienne, ne disposant pas d’autorisation d’exercice, pullulent à Casablanca. Le nombre de ces dentistes ambulants s’est multiplié ces deux dernières années et le phénomène prend de plus en plus d’ampleur dans la capitale économique.
Une mallette à la main, ils sillonnent les quartiers populaires et font du porte-à-porte pour proposer leurs services à la population défavorisée à des prix incroyablement bas.
A titre d’exemple, ces dentistes ambulants font une prothèse dentaire à 2200 DH, parfois beaucoup moins. Le coût de cet acte prothétique permettant de remplacer des dents manquantes par un moyen fixe (bridge) chez un praticien exerçant la profession d’une manière légale coûte près de 5000 DH.
Dans les quartiers, au sein de la famille, entre les amis, on ne parle que d’eux. Le bouche-à-oreille a pleinement contribué à la réussite commerciale de ces dentistes ambulants. La recette d’une demi-journée d’activité chez une famille tourne autour de 10 000 DH. Les voisins profitent de l’occasion et en font de même. Du côté des praticiens marocains, les voix s’élèvent pour protester contre cette situation.
«Le phénomène de ces dentistes syriens est grandissant. Ils opèrent dans les quartiers populaires de Derb Soltan, Sidi Othman, entres autres. Ils ciblent la population démunie. Pourtant, des personnes d’un niveau de vie moyen font appel à leurs services car le prix est bas. Mais, leur santé est en jeu car ces dentistes donnent des soins sans respect des conditions d’hygiène», s’indigne Mouhcine El Bayed, chirurgien-dentiste installé à Casablanca.
Pour sa part, la Délégation spéciale des chirurgiens-dentistes exerçant les attributions du Conseil national de l’Ordre dénonce avec vigueur cette situation. Contacté par ALM, son président Abdelilah Fountir a tenu à éclaircir les zones d’ombre. «Premièrement, il faut distinguer entre deux catégories de personnes qui se livrent à ce genre de pratique illégale.
La première est composée de dentistes diplômés, mais n’ayant pas d’autorisation d’exercer, délivrée par le Secrétariat général du gouvernement. La seconde catégorie est composée plutôt de charlatans n’ayant ni les compétences ni les qualifications pour exercer. C’est grave !». Et d’ajouter : «Dans les deux cas de figure, cette activité est illégale et constitue une concurrence déloyale. Elle porte préjudice à la profession».
Depuis l’année dernière, des plaintes des professionnels nationaux affluent en masse à la Délégation spéciale des chirurgiens-dentistes.
Face à l’ampleur de ce phénomène, cette instance nationale a saisi les autorités locales pour mettre fin à cette pratique. «Toutefois, souligne M. Fountir, elles ne réagissent pas de manière efficace».
Au-delà de la concurrence déloyale, cette pratique illégale présente un danger pour la santé des citoyens. «Ces gens travaillent avec des outils non stérilisés. Ce qui représente un danger pour la santé des citoyens», met en garde M.Fountir.
Dr. Achabb Abderrazak, chirurgien dentiste à Casablanca, renchérit : «Des patients sont venus me voir avec des inflammations au niveau de la gencive à cause des dents en résine que ces charlatans leur ont fixées. La dent en résine doit être utilisée d’une manière provisoire. Pour remplacer une dent, nous utilisons des dents en céramique, préparées dans des laboratoires avec un matériel très spécifique. Ces personnes donnent des soins dentaires dans des conditions d’hygiène lamentables. Se pose donc le problème de stérilisation matériel. Le risque de contamination par des maladies transmissibles comme le sida est très élevé».
Rabiâa Nachit est l’une des victimes de ces dentistes ambulants. Cette mère de famille est venue en compagnie de son fils, la trentaine, au cabinet de M.Achabb pour réparer ce que les Syriens auraient endommagé. «Il y a trois mois, un dentiste syrien est venu voir mon fils pour lui proposer des soins dentaires. Vu qu’il offre ses soins à bas prix, mon mari, mon fils et moi avons opté pour ce dernier. Deux mois après, les dents qu’il nous a fixées sont tombées», raconte Mme Nachit, demeurant au boulevard Nil, dans la préfecture Sidi Othman.
Ce problème d’exercice illégal de la médecine au Maroc a été à l’ordre du jour d’une rencontre entre le Premier ministre, Driss Jettou, et le président de la Délégation spéciale des chirurgiens dentistes Abdelilah Fountir. «M. Jettou nous a promis de régler le problème à travers le lancement d’une campagne de sensibilisation de la population quant aux dangers que présente cette activité. Toutefois, aucune démarche n’a été entreprise dans ce sens», déplore M.Fountir, qui appelle les autorités concernées à assumer leur responsabilité.

Dentistes étrangers : Que dit la loi ?
Selon la loi n°07.05 portant organisation du Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, publiée dans le Bulletin officiel du mois d’avril 2007, dans son 2ème chapitre, les chirurgiens dentistes étrangers ne peuvent exercer dans le secteur privé que s’ils sont inscrits dans le Conseil de l’Ordre national. Pour cela, une autorisation délivrée par l’administration concernée est requise.
Les chirurgiens-dentistes étrangers doivent répondre à un ensemble de critères pour que leur demande d’inscription au Conseil national de l’Ordre soit acceptée. Selon l’article 5 de cette loi, les chirurgiens-dentistes étrangers doivent être en situation régulière, et titulaires d’un diplôme en chirurgie dentaire reconnu équivalent. En outre, ils ne doivent pas être inscrits dans une instance étrangère de chirurgiens-dentistes. Dans le cas échéant, ils doivent présenter un certificat prouvant qu’ils ne sont plus membres de cette instance. Ils doivent être originaires des pays avec lesquels le Maroc est lié par des conventions permettant aux ressortissants d’exercer la profession dentaire dans le pays d’accueil.
Autre condition requise, le chirurgien-dentiste étranger ne doit pas avoir fait l’objet de poursuites disciplinaires pour des actions contraires à la déontologie.

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