Culture

Des oeuvres et des hommes

Le nom du mollah Omar a gagné de l’espace dans les pages des journaux lorsqu’il a ordonné, l’année dernière, la destruction des deux bouddhas géants de Bamiyan. Il eut d’abord un moment de flottement, une hésitation quant au sort réservé à ces deux statues. Le fera-t-il ou ne le fera-t-il pas ? Le mollah Omar allait peut-être céder à l’émoi provoqué par son décret soumettant les «idoles» de l’Afghanistan à la loi de la destruction. Le mollah Omar a su tenir l’opinion publique en haleine, a laissé déferler un torrent de protestations avant de signifier qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que de «casser des pierres». Et il l’a fait, le Mollah Omar. L’entêtement du chef des talibans allait se confirmer avec le temps. Premier acte de la déferlante médiatique talibane. C’était en février. On a tout appris à cette occasion sur les deux statues de Bamiyan. La plus grande mesure 55 mètres, la plus petite 30 mètres. Le drapé des deux bouddhas indique une influence hellénistique. Ce détail est très important. Il implique les Occidentaux qui se réclament de l’héritage grec dans ce qui s’est passé en Afghanistan. Et l’on se souvient que ce pays a été un carrefour ouvert à la civilisation occidentale. Mars. Destruction des statues de Bamiyan. Deux monuments dressés dans l’espace ont été démantelés à coups d’explosifs. Septembre. Deux chefs d’oeuvre de l’architecture moderne, levés très haut dans le ciel, s’effondrent sous l’action du kérosène. C’était à New York. Celui qui avait ordonné la destruction de «deux idoles» est de nouveau sur la sellette. L’iconoclaste, le vandale Mollah Omar est l’ami et complice de l’ordonnateur de la destruction des deux tours du World Trade Center. Tout le monde avait une opinion arrêtée sur le chef suprême des talibans. Il avait déjà détruit deux chefs-d’oeuvre du patrimoine artistique mondial. L’homme est sans goût, sans coeur pour les oeuvres d’art. Il avait mené une vraie campagne de destruction contre l’art, il est insensible aux pressions internationales. Par conséquent, personne ne s’étonne du fait qu’il soit associé à la démolition de deux autres monuments qui faisaient la fierté des Américains. La disparition des tours jumelles fait apparaître les frères jumeaux. Cette disparition suscite toutefois un émoi d’une nature différente de celui qui a succédé à la destruction des bouddhas de Bamiyan. L’émotion avait trait cette fois-ci aux hommes et non pas aux oeuvres. Il était question des milliers de victimes ensevelies sous les décombres et non pas de la valeur des décombres.
Curieux, dans ce sens, l’intérêt soudain des Occidentaux pour les oeuvres de l’Afghanistan, et leur désintérêt pour les hommes de ce pays. Les victimes du régime taliban existaient bel et bien avant que le mollah Omar n’autorise le minage des deux bouddhas géants. Peu de gens se souciaient pourtant du sort réservé à ces hommes. Il a fallu que deux statues vieilles de 1500 ans soient détruites pour que l’on s’intéresse vraiment à eux. En revanche, à New York, ce sont les pertes humaines qui ont bouleversé l’opinion publique. Pourtant, les deux tours abritaient beaucoup d’oeuvre d’art. Aucune commune mesure entre leur destruction et celle des hommes. Pourquoi y’en aurait-il une alors entre les victimes afghanes et les oeuvres de leur pays ? Une semaine après l’émoi général du 11 septembre, on a commencé très timidement à dire que plusieurs oeuvres étaient parties en fumée en même temps que les bâtiments. Les précautions oratoires qui ont accompagné le décompte des oeuvres perdues dans les deux tours sont d’ailleurs très révélatrices. C’était tantôt «dérisoire», tantôt «indécent» de parler de sculptures, de dessins et de tableaux alors que tant d’hommes ne sont plus. Il y avait pourtant là la plus importante collection privée de dessins et de sculptures de Rodin, des pièces de Calder, de Miro, de Lichtenstein et d’autres…
Quel enseignement retenir de tout cela ? La valeur des oeuvres peut être pareille partout dans le monde, celle des hommes, non ! C’est d’ailleurs un poncif !

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