Culture

Éclairage : Engagement

Mohamed Choukri est un écrivain authentique en ce sens où il s’engage pleilnement dans l’écriture. Il fait partie de ces rares écrivains qui paient de leur personne pour l’art. Il ne se résigne pas à accepter la littérature comme une activité gratuite, divertissante.
Écrire n’est rien si cet acte ne l’engage pas dans une aventure pleine de risques. Il ne considère pas l’écriture comme une pratique bénigne. Il faut qu’elle l’expose à un danger. Choukri n’a pas trempé le bout de son pied dans les eaux de la littérature, mais y a plongé, en entier, pour n’en plus ressortir. Il a opté pour un genre littéraire où le «je» renvoie à l’auteur. Son premier livre autobiographique, «Le pain nu» (1973), a complètement renouvelé les autobiographies écrites en arabe. Choukri y a fait le pari de tout dire. Un pari fou, presque impossible à tenir en littérature. Parce que derrière toute confession, il y a l’espoir d’une absolution, et que les choses les moins avouables ne doivent pas rendre leur auteur antipathique aux lecteurs. Choukri a pourtant fait des révélations honteuses, il a également étalé sa vie sexuelle…
L’effet de ce livre sur la littérature arabe ne peut encore être mesurée. Mais on peut estimer que ce livre constitue une coupure radicale avec ce qui a été publié jusqu’alors dans le genre autobiographique en arabe.
La vie de Choukri est aussi engagée que son oeuvre. Elle est conforme à ses écrits, dans la mesure où elle les nourrit. Elle est faite aussi d’amitiés avec les écrivains. Les plus grands : Paul Bowles, Tennesse Williams, Jean Genet, William Burroughs, Allan Ginsberg, Brian Gysin… La vie de Choukri ne peut être séparée de la ville de Tanger. Cet auteur est né à Béni Chikir (près de Nador) en 1935. Mais il se rend, à l’âge de 7 ans, à Tanger pour ne plus la quitter. Interrogé sur sa relation avec Tanger, il dit simplement : «je ne peux pas respirer dans une autre ville.» J’écourte souvent mes voyages pour y revenir. «Je me dis aussi que si j’avais vécu dans une autre ville, je n’aurais pas écrit comme je l’ai fait». Mohamed Choukri n’est pas seulement l’auteur du «Pain nu» – le livre qui a été traduit en 27 langues. Il a écrit «Le temps des erreurs», «Majnûn al-ward», «Al-khayma», «Al-sûq al-dâkhilî», «Jean Genet fî Tanja», «Tennessee Williams fî Tanja» et d’autres écrits encore. Mais c’est assurément «Le pain nu», livre culte pour toute une génération, qui garde une fraîcheur surprenante. Interdit en 1983 par le ministère de l’Intérieur, il est autorisé depuis trois ans dans les librairies. Cette autorisation est accompagnée d’honneurs rendus à un écrivain jugé sulfureux. L’on sait, ou l’on devrait savoir, qu’il n’existe pas de littérature valable sans une bonne dose de soufre.

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