Inspiration : 22 Harmonica performances
C’est un acte de tendresse et de gratitude que celui de J.J. Milteau rassemblant dans Inspiration 23 enregistrements d’harmonica "rares ou historiques, de 1928 à nos jours". Ici, le plus célèbre harmoniciste français a réuni ses confrères les plus éminents, et ceux qui lui ont apporté ce qu’affiche le titre de la collection. Aussi, le profane ne s’étonnera pas de relever dans la sélection quelques-uns des grands maîtres du blues, le registre favori de Milteau. James Cotton, Sonny Terry, Little Walter, Sonny Boy Williamson… illustrent, chacun à leur manière, l’usage du petit Marine Band – l’harmonica fétiche des bluesmen – et du chromatique. Mais le travail de Milteau se veut aussi historique, et, guidé par un livret complet riche en références, dates, et détails, on va à la rencontre de figures comme Larry Adler (avec Django Reinhardt), qui demeure la star mondiale de l’harmonica au même titre que celui qui l’accompagne fut celle de la guitare. On croise aussi l’harmonica dans des styles inattendus (Hugo Diaz dans "La Campañera") et dans des registres complexes, comme cette "Gymnopédie n° 1" d’Erik Satie jouée par Toots Thielemans. Et le moindre des mérites de J.J. Milteau n’est pas de nous présenter, à côté de ces signatures prestigieuses, la relève de l’instrument avec les virtuoses et les créateurs que sont Greg Szlapczynski ("Moody") ou Eric Chafer ("Intro"), auteur d’un instrument personnel à l’accordage unique. Rarement hommage aussi complet et aussi éclectique fut rendu à l’harmonica.
The White Streaps : White blood
Peu de groupes ont opté pour la formule ultraminimale du duo guitare et batterie. En général, ce sont plutôt des combos punk, lo-fi ou expérimentaux. Ainsi se souvient-on des géniaux Doo Rag dont la puissance dévastatrice peu commune a fait bien des émules, notamment Jon Spencer Blues Explosion à ses débuts; du tandem français au doux patronyme Dêche Dans Face ; voire des Japonais freecore Ruins où la guitare est remplacée par une guitare basse; ou encore les Twenty Miles et White Assle dont The White Stripes seraient les plus proches. Ce duo, c’est en fait le frère et la sœur, Jack et Meg White, imbibés de culture punk, de rock’n’roll et de garage, influences toutes trois à l’œuvre sur ce White Blood Cells enregistré sans complexe à Memphis. On aura vite compris que l’étiquette punk est trop restrictive pour ce combo qui fait voler les barrières en éclats en célébrant l’esprit et l’essence du rock dans ce qu’il a de plus spontané. Ici, riffs plombés et rythmes bourrins ne sont pas conviés à la fête. Subtil et sans matières grasses.
Queen : A night at the opera
L’excès est parfois compatible avec la qualité, ainsi qu’en témoigne cet album, premier chef-d’oeuvre de Queen dans lequel le classique "Bohemian Rhapsody" reflète parfaitement l’ambition lyrique du groupe. A Night At The Opera est aussi le titre du film des Marx Brothers, ce qui n’est pas incompatible avec le sens de la dérision et de la provocation que Queen a cultivé tout au long de sa carrière. C’est une minutieuse et grandiloquente production, un diamant aux multiples facettes. "You’re My Best Friend" est une magnifique ballade au piano, "Lazing On A Sunday Afternoon" semble avoir été écrit pour le music-hall, tandis que des morceaux comme "Death On Two Legs" et "I’m In Love With My Car" ont été taillés dans le granit. A Night At The Opera est considéré à juste titre comme la quintessence de l’esprit de Queen.
Leonard Cohen : The essentials
Ni folk-singer ni rocker, mais poète dandy, Leonard Cohen a façonné en quelques accords arpégés et d’une voix profonde un nombre impressionnant de chansons qui sont entrées dans le patrimoine international. Là où l’on peut voir du désenchantement, une tristesse chronique, il y a en réalité un amour profond pour les femmes, exprimé avec une grande sensualité et avec un sens du verbe qui a élevé le songwriter canadien au rang de Bob Dylan. Cité en référence aussi bien par les groupes de la new wave (Sisters of Mercy) que par les artisans du renouveau folk-rock (Suzanne Vega, Nick Cave), Leonard Cohen refait l’événement. Après Ten New Songs, par lequel il rompait un silence discographique de dix ans, voici The Essential, une compilation de 31 chansons qui permet de s’imprégner pleinement de son univers poétique. On y retrouve bien évidemment toutes ses œuvres emblématiques, depuis "Suzanne" jusqu’à "Bird On A Wire", en passant par "Chelsea Hotel N°2". Mais The Essential réunit aussi ses derniers enregistrements, comme "Waiting For A Miracle" et "Love Itself", respectivement extraits de The Future et de Ten New Songs, qui s’inscrivent dans la suite logique d’une carrière en tous points remarquable.