Isis : In The Absence of Truth
Quatrième opus de cette divinité du rock "lourd" alternatif, expert en riff monolithe, de plus en plus porté sur les textures atmosphériques complexes. Radical. N’en déplaise à notre cher Laurent alias « The Real Thing », le quatrième album d’Isis serait le disque le plus attendu de l’histoire du label Ipecac – les productions du patron Patton incluses. Intronisés nouveaux mastodontes rock de la branche Metal (Post Metal pour être plus précis, mais sans concombre dans le slip ni mascotte Eddy gonflé à l’hélium sur scène), le trio de Los Angeles Isis se démarque de ses pairs par son univers pesant et labyrinthique, affûté album après album.
Le combo de Los Angeles constitué autour du noyau dur Aaron Turner (guitare et chant) Caxide (basse) et Aaron Harris (batterie), bâtit un monde atmosphérique, quasi instrumental, où les guitares électriques pèsent deux tonnes et balayent tout sur leur passage. Nos lecteurs qui ne jurent que par la pureté des Zombies plutôt que les power chords des monstrueux White Zombie ou à la rigueur les hurlements façon Fantomas crieront à l’infamie. Par contre, les amateurs de Post rock y trouveront largement matière à assouvir leur manque d’adrénaline avec cette musique plus fine qu’elle n’y paraît.
Isobel Campbell : Milkwhite Sheets
Mine de rien, Isobel Campbell nous offre un monument du neo-folk d’une sensibilité rare. Loin de la hype actuelle.Il faut savoir que ce troisième album d’Isobel Campbell a été conçu principalement en même temps que l’acclamé Ballads of the Broken Seas avec Mark Lanegan. Alors qu’on ne l’attendait pas spécialement sur ce terrain-là, c’est dans le folk traditionnel (dans ce qu’il a de punk, précise-t-elle, citant Shirley Collins, Anne Briggs et Jean Ritchie), voire satanique (dixit son ingénieur du son spécialisé pourtant dans le dark metal), qu’évolue son recueil. Qualifiant ses chansons de ballades psychédéliques, l’ex-Belle & Sebastian a donc exploré un style qui a – c’est le moins que l’on puisse dire – le vent en poupe. Enregistré avec peu de moyens (une bête guitare sèche le plus souvent, l’harmonica en option bien sûr), l’album met en relief la voix d’Isobel mais aussi des instruments majestueux comme le violoncelle (joué par elle, superbe sur le titre éponyme), les arpèges ou les tambourins et autres percussions.
Love Is All : Nine Times That Same Song
En cette fin d’année, c’est Love Is All – un nom tellement évident qu’on se demande d’abord pourquoi il n’a pas été pris auparavant – qui se présente comme le prétendant n° 1 à la buzzification. Suédois ; rock et dansant à la fois, pour pouvoir rythmer nos soirées ; lo-fi, pour combler nos inclinations naturelles au son système D : Love Is All possède de sérieux atouts pour réussir dans cette intronisation. C’en est assez dit pour situer le phénomène naissant autour de Love Is All. La musique de ce groupe est un mélange des genres certes, mais un mélange toutefois relativement formaté, à l’œuvre dans la musique indépendante actuelle. Rock matiné de références 80’s, de Blondie aux B 52’s (“Used Goods”, “Spinning And Scratching”), prétention disco à la manière de Peaches (“Ageing Had Never Been His Friend”, “Busy Doing Nothing”) : Love Is All s’inscrit bien dans son époque et dessine les contours d’une nouvelle hype.
Patrick Watson Close To Paradise
Un an après la découverte du magnifique Just Another Ordinary Day, le montréalais Patrick Watson nous revient avec un album paradisiaque qui tutoie les plus hauts sommets de la pop. Comme une bouteille jetée à la mer, recelant quelque obscur secret, le nouvel album de Patrick Watson s’est échoué sur la plage de notre imaginaire. S’est déversé alors un cortège de mélodies qui se sont mises aussitôt à tourner dans notre tête comme un petit train électrique échappé d’un monde d’adultes, trop adultes. A l’instar du précédent Just Another Ordinary Day, le nouvel album du pianiste canadien défait le monde pour mieux en imposer un autre, volontiers enchanteur et onirique, parcouru de beaux frissons et de chausse-trappes. Ne pas croire qu’écouter Close To Paradise est toutefois réservé au seul enfant qui sommeille en nous. Le paradis n’est pas là, dans cette enfance qui se meut à l’abri d’un corps trop grand pour elle, afin de persister à croire qu’elle existe encore. Non, le paradis est ailleurs, peut-être dans cette cité (celle de la pochette du disque) faite de bric et de broc, de pièces rapportées, détournées par la seule loi d’un imaginaire débordant et accompli qui n’en aurait pas fini de composer avec l’enfance.