Dionysos
Après des débuts placés sous le signe de la lo-fi (en la matière, Happening Songs et The Sun Is Blue Like The Eggs In Winter sont des jalons importants), le troisième album de Dionysos (Haïkus) indique un changement de cap, en plaçant la barre un cran plus haut, avec sa production millimétrée qui n’entame en rien leur univers absurde marqué par l’enfance. Comme si après un disque de Lou Barlow, on mettait sur la platine Tom Waits ! Avec ce nouvel opus, les Français continuent de défricher cette voie, s’offrant le luxe de travailler avec un producteur mythique. Après avoir un temps pensé à Lee Hazlewood ou – justement – Tom Waits, ils se sont tournés vers Steve Albini, leader du combo hardcore Shellac à qui l’on doit quelques cultissimes galettes. Nul mieux que lui ne pouvait les aider à accoucher d’un tel OVNI, qui rend hommage au passage à leurs influences, dont l’écrivain Richard Brautigan et l’acteur (chanteur) Robert Mitchum. Mû par une belle insouciance, la formation pond là quelques merveilles, acoustiques ou électriques, chantées en français ou en anglais, dont les arrangements malicieux évoquent le meilleur de Pavement. Soit un quatrième disque en forme de révélation.
Whitney Houston : My love Is your love
On connaît tous Whitney Houston : sa plastique de rêve, sa prestation cinématographique dans "Bodyguard" aux côtés de Kevin Costner et ses ballades sophistiquées où l’émotion qui se dégage de sa voix colle le frisson. Le Français a même un avantage sur l’Américain : il a vu la chanteuse partager avec Gainsboug le plateau d’une émission de télé restée célèbre pour une anecdote salace mille fois racontée. Enregistré à la fin des années 90, My Love Is Your Love est le cinquième enregistrement de la diva. S’il reste fidèle à ce qui fait son style tout public (une musique émotionnellement chargée et chantée par une voix d’or) Whitney y montre toutefois un intérêt pour les avancées d’une soul music plus moderne en s’offrant les services de la chanteuse des Fugees, Wyclef Jean. De toute façon, Whitney a toujours été d’avant-garde ! Ainsi, elle commença sa carrière en chantant "Memories", un morceau du bassiste Hugh Hopper de Soft Machine, accompagnée par le groupe expérimental new-yorkais Material de Bill Laswell dans un line up incluant le saxophoniste free Archie Shepp!!! Étonnant, non ?
Rickie Lee Jones : The evening of my best day
The Evening Of My Best Day marque le retour inespéré de Ricky Lee Jones à la composition. Au cours des six années qui ont précédé sa sortie, l’ancienne égérie du folk ne s’était fendue que d’un album live et d’un disque de reprises, préférant se consacrer à sa vie familiale. C’est finalement la situation politique internationale qui l’a poussée à reprendre les armes musicales. Ainsi cet opus s’inscrit-il dans une perspective post-11 septembre comme une charge au vitriol anti-Bush, ce qui est d’emblée évident, dès le premier titre, l’explicite "Ugly Man" relayé par des prises de positions sans ambiguïté ("Tell Somebody-The Patriot Acts Now"). Produit par Steve Berlin (Los Lobos), l’ensemble navigue entre funk sophistiqué et ambiances jazzy cool, renouant par là même avec ce qui fit le succès de ses deux premières œuvres.
Noir désir : des visages, des figures
Désabonné au 666.667 Club, Noir Désir a perdu son sens de l’orientation et dérive entre Marrakech et New York. Loin de leurs habitudes électriques et lyriques, les Bordelais sont sortis des rails, au bout de quinze ans de vie commune, et ont abandonné leur pratique parfaite du pilotage automatique avec guitares et hurlements. Pas pour autant convertis au grand jeu mélodique (les 24 minutes de "L’Europe" enregistrées avec la diva Brigitte Fontaine rencontrée à Kékéland l’attestent), ils errent entre cordes, claviers, batteries électroniques et chœurs féminins. Épaulés par le producteur Nick Sansano repéré pour services rendus à Sonic Youth ou Public Enemy, ils ont partagé leur aventure musicale avec Jean Lamotte (membre de la Fantaisie militaire de Bashung), Romain Humeau du groupe Eiffel et Manu Chao. La voix en berne, Bertrand Cantat ose l’impudeur ("Bouquet de nerfs"), pratique l’énumération à la Dutronc ("Le Grand Incendie") ou reprend Léo Ferré ("Des armes"). Car après cinq ans de silence entrecoupé de deux albums solos pour Serge Teyssot-Gay, les refrains écorchés de Noir Désir révèlent les incidents d’un parcours moins musclé mais plus périlleux.