Il est 18h à la terrasse d’un café sur le boulevard Bouchaïb Doukkali, à Casablanca. Trois membres de la Ligue casablancaise de body building sont attablés pour une réunion informelle. Redouane Belghmouche, Abdelhaq Berbouche et Mustafa Bilal, tous trois directeurs de salles de musculation et membres du bureau fédéral de surcroît, sont dans la fièvre de la proximité du jour J : la phase finale de la Coupe du Trône de body building, qui se tiendra les vendredi et samedi 29 et 30 juillet à Khouribga.
Sur le téléphone portable de Redouane Belghmouche, secrétaire général de la Ligue du Grand Casablanca, la sonnerie d’un appel retentit. C’est Hassan Tsouli, son homologue de la Ligue de Tadla-Azilal et organisateur, à ce titre, en collaboration avec les autorités municipales de Khouribga, de cette deuxième édition de la Coupe du Trône. Hassan lui confirme la présence du gouverneur de la région et de nombreux autres officiels, incitation forte à mettre les petits plats dans les grands.
Ça sera assurément un grand jour dans l’histoire de la jeune Fédération royale marocaine de body building (FRMBB), qui a consacré la spécificité de cette discipline depuis que l’haltérophilie et le body building, autrefois réunis en une seule instance, se sont séparés. L’année dernière, c’est à Marrakech que la FRMBB organisait sa première Coupe du Trône. Cette année, le show de muscles se tient à Khouribga, vers laquelle se tournent les regards et les espoirs de tous ceux qui ont fait de la sculpture du corps la passion de leur vie. Des moins de 60 kilos aux plus de 90 kilos, huit catégories de culturistes exposeront ainsi leurs musculatures à l’appréciation du jury.
Les culturistes marocains sont regroupés en 13 ligues régionales, toutes animées d’un même élan : faire émerger sur la scène sportive nationale ces centaines de body- builders, pour la plupart issus de la classe populaire et qui consentent en général d’énormes sacrifices pour continuer à pratiquer. L’occasion pour Redouane Belghmouche de souligner qu’au Maroc, ce sont en majorité des petites salles de quartier, tenues par des amateurs passionnés, qui produisent des champions de dimension internationale. Et qu’à Casablanca, la quarantaine de clubs affiliés à la ligue sont pour la plupart fréquentés par des culturistes aux revenus modestes, rien à voir, dit-il, avec ces clubs de luxe…
Il est 19h. Pendant que Redouane et ses collègues font le point, Si Mohamed Babazzine, 37 ans, prend son service de portier à la Bodega, un bar restaurant à Casablanca. Plus connu sous le nom de Faria, un souvenir du temps où il coachait une petite équipe de football, cela fait six ans maintenant que Mohamed Babazzine est «videur» à la Bodega. Il est loin le temps du premier job de Faria à l’hôtel Mounia et de la série d’établissements où il a exercé et s’est fait la main avant de prendre racine au seuil de cet établissement très couru de la rue Allal ben Abdallah.
Profitant des dernières minutes de calme avant l’arrivée des premiers clients, il finit d’avaler sa ration de 350 g de viande rouge grillée, l’un de ses huit repas quotidiens. Son régime depuis trois mois, depuis qu’il se prépare à participer à la Coupe du Trône de body building. Mohamed Babazzine est culturiste depuis 16 ans. Il a pratiqué la lutte en amateur pendant trois ans mais s’est finalement consacré à la sculpture des muscles de son corps. Le régime n’est pas tendre. Trois séances de musculation par jour, assorties d’un régime alimentaire draconien. Un régime qui lui revient très cher. Acides, protéines, vitamines, viande blanche, il en a pour au moins pour 6000 dh par mois. Il n’en gagne pas autant, mais pour trois mois dans l’année et avec la perspective d’un titre de champion du Maroc de sa catégorie, cela vaut bien quelques sacrifices. Marié depuis 13 ans, père d’une fille de 12 ans, sa petite famille est son plus grand soutien: «Ils croient en moi, respectent ma passion et leurs encouragements me sont précieux!»
Sa prestance, l’élégance de sa tenue, pantalon noir et chemisette à fines rayures, viennent confirmer l’évolution de son métier. Videur? Non, portier. «Car sa fonction n’a plus rien à voir, explique-t-il, avec ces gros bras de jadis qui n’hésitaient pas à faire usage de leur force à la moindre occasion». Pour lui et ses confrères, portiers dans un établissement de standing supérieur, il s’agit plutôt d’être en mesure de «refroidir» les «allumés», un métier où la psychologie intervient davantage que la force physique. D’autant qu’il est tout à fait conscient que sa puissance physique lui interdit d’y recourir : «Les temps ont changé… Aujourd’hui, il faut vraiment faire très attention à nos relations avec les gens auxquels il nous arrive souvent de refuser l’entrée».
Mais pour l’instant, il est déjà loin de tout cela. Lundi, peut-être, il reviendra de Khouribga couronné d’un titre prestigieux. Et avec aussi, certainement, une plus grande détermination à poursuivre dans cette voie.
Il pourra sans doute compter sur le soutien de son employeur, qui déclare être disposé à encourager le plus fin psychologue de ses portiers.
L’occasion de souligner le manque de moyens dont souffre actuellement le body building marocain et le fait que les sponsors ne se bousculent pas encore au portillon de la Fédération. «Ça n’a rien d’étonnant quand on constate le peu d’intérêt que les médias nationaux nous portent, déplore Redouane Belghmouche. Les entreprises qui ont les moyens d’investir dans le sport exigent toujours plus de visibilité et nous, on ne nous voit pas assez ! Ça n’est pourtant pas faute de faire briller les couleurs du Maroc dans les compétitions internationales…» Redouane s’efforce pourtant de plaisanter : «Il faut dire qu’il y a vraiment très peu de place sur nos slips de compétitions pour afficher les logos d’éventuels sponsors…»
Rendez-vous donc à Khouribga pour encourager ces sportifs d’un genre très particulier et dont la pratique s’apparente davantage à l’art qu’à la compétition. Et les femmes dans tout ça ? Elles n’ont pour le moment pas leur place en compétition nationale, même si dans certains clubs, elles sont déjà quelques unes à faire de leurs corps des monuments vivants à la gloire du muscle…
Nutrition et Musculation
|
Culturisme : les prochains rendez-vous
14 octobre 2006
Phases de sélection de l’équipe nationale pour la participation au Championnat du monde.
26-30 octobre 2006
60e Championnat du Monde à Ostrava en république tchèque.
Congrès international de l’IFBB
Novembre 2006
Eliminatoires de la Coupe de la Marche verte et de l’Indépendance.
18-19 novembre : Finale
Sélection de l’équipe nationale pour la participation en Coupe d’Afrique.
Sélection de l’équipe nationale pour la participation aux jeux méditerranéens.