Culture

Entretien avec Maâlem Said Kouyou: «Tagnaouite n’est pas de la sorcellerie !»

© D.R

Présent sur la scène de Moulay Hassan à Essaouira, Maâlem Said Kouyou est l’un des premiers à avoir appliqué les règles du solfège à la musique Gnaoua en intégrant le conservatoire de musique en 2008. Nourri depuis son enfance par la culture gnaoua, il a grandi dans un univers de spiritualité grâce à sa grand-mère qu’il accompagnait lors des cérémonies dédiées à Assilah et ailleurs. Dès l’âge de 7 ans, Maâlem Said Kouyou a commencé à jouer et à chanter sous la direction de plusieurs maâlems. Dix ans plus tard, il débute sa carrière artistique et associative. Il fonde en 2008 l’association Kanawi. Lors d’un entretien qu’il a accordé à ALM, maâlem Said Kouyou s’est confié sur son parcours, sur Gnaoua et son évolution ainsi que sur l’apprentissage de cette musique qui intéresse de plus en plus de jeunes. Pour lui, «il faut être profondément touché par cette musique pour atteindre son côté spirituel».

ALM : Pouvez-vous nous décrire l’univers gnaoua dans lequel vous avez grandi ?
Said Kouyou : J’ai été nourri de la culture gnaouie depuis ma naissance. Ma grand-mère «Aicha El Gnaouia», qu’on appelle du côté de chez nous à Assilah «A’ziza», était très imprégnée de tout ce qui est spirituel. Petit à petit avec le temps j’ai cumulé de l’expérience, ce qui m’a permis d’arriver là où j’en suis aujourd’hui. Il faut dire que le fait d’avoir été dans une famille 100% gnaouie a été un facteur important dans ma construction en tant qu’artiste. Ce n’est pas comme un cursus ou une formation de deux ans où on devient rapidement musicien. C’est plutôt un processus d’apprentissage et de construction long qui commence dès l’enfance où on devient habité par la culture Gnaoua et l’état d’esprit qui l’accompagne.

Parlez-nous un peu de votre participation au Festival Gnaoua et Musiques du Monde surtout que cet événement a célébré son quart de siècle d’existence…
Je suis très content de ma participation à cette 25ème édition. C’était un vrai bonheur de se retrouver sur scène devant le public de la ville d’Essaouira. C’est aussi un honneur pour moi qui vient d’Assilah de voir l’écho positif de notre musique Marssaouia sur les personnes qui se sont déplacées. D’ailleurs, j’aimerais particulièrement remercier la direction de ce Festival et le public souiri.

Qu’est-ce qui caractérise la musique Gnaoua authentique comme celle dans laquelle vous évoluez ?
La différence commence déjà par la ville ou la région de provenance. Ce qui se traduit naturellement sur le chant, les habits et la manière de jouer les instruments de musique. Et c’est ce qui fait la beauté de cette musique ancestrale. Chaque région a une musique Gnaoua spécifique qui caractérise son héritage culturel. La spiritualité est aussi très présente dans la musique et les chants Gnaoua authentiques. En effet, le spirituel n’est ressenti que par les personnes qui sont à la base touchées par cet aspect.

Pourquoi selon vous le public aime la musique Gnaoua et continue de l’apprécier ?
Gnaoua touche l’âme et le cœur. C’est une musique spirituelle. Elle est également soufie en quelque sorte. Ce n’est pas une musique comme on peut en entendre un peu partout ailleurs. Il suffit d’écouter la musique Gnaoua une seule fois pour vouloir la réécouter encore et encore.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui n’ont pas grandi dans cet univers Gnaoua mais qui aiment cette musique et qui veulent faire de cette passion une vocation?
Je leur dis qu’ils sont les bienvenus. A Assilah nous avons un musée et une école dédiés à Gnaoua. Ce domaine doit être ouvert à tous. D’ailleurs, lorsque je me suis produit sur scène le 27 juin 2024 à Essaouira des personnes en situation de handicap m’ont accompagné avec des sons de tambours. Ils ont défié leur handicap. Et donc le domaine de Gnaoua est ouvert à condition d’apprendre l’essentiel de la musique Gnaoua. Mais le passage au côté spirituel de Gnaoua n’est pas donné à tout le monde. Il faut être vraiment touché au plus profond de son âme pour faire des lilates.
Moi-même j’enseigne au Conservatoire de musique Ibn Batouta à Tanger la musique Gnaoua. Je l’enseigne en tant que musique. Si une personne veut apprendre la musique Gnaoua rien ne l’empêche mais les lilates c’est tout autre chose. Il faut être habité par cette musique pour pouvoir atteindre ce degré de spiritualité.

Quelles sont les scènes sur lesquelles vous allez vous produire prochainement et les projets sur lesquels vous travaillez ?
Actuellement, nous sommes en train de travailler sur le projet d’un album dédié à la musique Gnaoua qui provient de la région du Nord et spécifiquement d’Assilah. Cette ville m’a beaucoup donné et je souhaite lui rendre hommage.

Un mot pour le public marocain qui vous suit…
J’espère que j’ai été à la hauteur durant ma performance sur scène à Essaouira. Et je souhaiterais dire que Tagnaouite n’est pas de la sorcellerie. Tagnaouite est lié à la spiritualité et au soufisme. J’aimerais enfin remercier profondément toutes les personnes qui ont contribué au succès de ce festival et tous ceux qui nous ont soutenus pour réussir notre performance sur la scène Moulay Hassan.

Articles similaires

Culture

Portant un caftan signé Maison Fatim Zahraa El Idrissi: Mohamed Ramadan fait sensation à Mawazine

Le chanteur égyptien Mohamed Ramadan qui s’est produit récemment, au Festival Mawazine...

Culture

Alif festival : Ces stars qui illumineront la scène Anfa Park

Myriam Fares, Ragheb Alama, Hatim Ammor…

Culture

Guide de survie aux réunions, de Sacha Lopez

Ed. Pearson France (20/05/2016) «Comment préparer sa réunion alors qu’on a à...

Culture

Humour : Asmaa El Arabi dévoile une nouvelle web série dédiée à un projet immobilier

La figure emblématique de l’humour créatif, Asmae El Arabi, continue de marquer...