Culture

Entretien avec Mohamed Almou, président du groupe d’Ahidous des Ait Atta Noumalou de Beni Mellal : Plaidoyer pour la préservation d’un patrimoine culturel

© D.R

Mohamed Almou nous fait part d’un patrimoine artistique et culturel propre à la tribu des Ait Atta Noumalou, à Beni Mellal. Cet art d’expression musicale berbère qui recèle une kyrielle de danses, de chants, de rythmes… dont se glorifie la ville de Beni Mellal.

ALM : Quel genre d’Ahidous pratiquez-vous ?
Mohamed Almou : Ahidous est un art d’expression musicale berbère. C’est une danse des berbères du Moyen et du Haut Atlas. La région de Beni Mellal-Khénifra recèle des types d’Ahidous qui diffèrent selon les régions. Depuis ma naissance, car je suis âgé de 53 ans, mes parents et mes grands-parents pratiquaient Ahidous, à Beni Mellal. Nous sommes des tribus des Ait Atta Noumalou (on distingue deux types des Ait Atta. Ce sont des tribus berbères. Les Ait Atta Noumalou, c’est-à-dire de l’ombre. Ce sont ceux qui ont quitté, il y a longtemps, les régions du Sud et se sont installés dans les régions de Beni Mellal, Azilal, Ouaouizeght…, et les Ait Atta du soleil, ce sont ceux qui sont restés dans les régions de Zagora, Ouarzazate, Saghro…) et Ahidous est l’un de nos patrimoines culturels dont l’origine est enracinée dans la nuit des temps. Ce genre de chants et de danses, que nous pratiquons, est un genre traditionnel. Au fil des temps, Ahidous a commencé à connaître des métamorphoses au niveau des instruments de musique, des procédés chorégraphiques… Notons que je suis président de ce groupe qui se compose de 14 personnes, depuis plus de 16 ans.

Qu’en est-il du côté vestimentaire pour participer à la danse Ahidous ?
Au niveau vestimentaire, pour ce qui est des tribus des Ait Atta en général, Ahidous exige en général que les vêtements soient uniformes. Les hommes doivent porter des djellabahs blanches, un turban blanc «Rezza», Tchamir blanc, des babouches blanches «Ikourbines en berbère». Mais le Rais porte, par exemple, un burnous noir (Aznnarabkhan » ou de couleur différente. Concernant les femmes, elles doivent porter un costume traditionnel amazigh «Timelssa», sur la tête, un foulard (Tassabnit) avec un fil orné de paillettes «Mouzoun» et des bijoux autour du cou. Si les danseurs se mettaient, jadis, en cercle ou sur deux rangs, les hommes face aux femmes, notre ahidous, à Beni Mellal, diffère de tous les autres ahidous du Moyen Atlas. Mon groupe qui était formé d’hommes avancés dans l’âge ne se compose, actuellement, que d’hommes âgés entre 25 ans et 53 ans. Et bien que les danseurs de notre groupe se soient rajeunis, nos procédés chorégraphiques demeurent traditionnels dans la mesure où nous sommes tenus de conserver notre identité culturelle et le patrimoine que nous avons hérité de nos ancêtres.

Quels sont les types de danses que vous pratiquez au niveau de votre région ?
On distingue Toufsist,Tamsaraht, Taracht et Tarjdalt. Pour ce qui est de la danse Taracht, on la pratique en général à la fin de toute festivité, c’est un genre de conclusion ou d’excipit d’un évènement. Ahidous se compose de danse, de rythme, de poésie… C’est un mélange de procédés, de gestes, de paroles, de chants, de rythmes… qui forment une harmonie chorégraphique symbolique et un patrimoine culturel propre à chaque région. Notre ahidous diffère de celui des régions du Moyen Atlas comme Khénifra, Zaouiet Cheikh… En tant que tribus des Ait Attas Noumalou, nous nous sommes inspirés d’ahidous des Ait Attas de Saghro, Ouarzazate… Les chants d’Ahidous, dans notre région, recourent à un vocabulaire et à une poésie qui vont de pair avec notre quotidien, nos problèmes, nos préoccupations… Rien n’est laissé au hasard. Anchad est un homme orfèvre en la matière. Il est capable d’improviser un ensemble de vers qui sont chantés par les personnes du groupe d’ahidous et qui portent sur différentes thématiques comme l’amour, la joie, la séparation, le mariage, …

Votre type d’Ahidous est-il connu au Maroc ?
Evidemment. Notre groupe a participé aux différents festivals aux niveaux local, provincial, régional et national, à Beni Mellal, Azrou, Ifrane, Boulmane , Azilal, Bzou, aux veillées artistiques, aux mariages, aux fêtes nationales… Notre objectif est de participer au rayonnement de notre patrimoine artistique que nous avons hérité des Ait Atta Noumalou. Et c’est une grande fierté pour nous que ce genre d’ahidous devienne pérenne, c’est notre identité culturelle. En outre, chaque année, notre groupe d’Ahidous organise un Moussem pour circoncire une cinquantaine d’enfants issus de familles pauvres.

Quelles sont vos perspectives et doléances ?
Nous voudrions bien que le ministère de tutelle nous soutienne pour que nous puissions aller de l’avant. Et nous lançons un appel à la nouvelle génération pour qu’elle prenne soin de ce genre de patrimoine culturel unique en son genre. Il est de notre devoir de perpétuer notre identité culturelle à l’instar de nos ancêtres qui ont déployé des efforts incomparables pour que ces traditions ne se volatilisent pas à cause de l’usure des siècles. On souhaite aussi que nous organisions des voyages à l’étranger et à travers toutes les régions du Maroc pour faire connaître les spécificités de notre ahidous.

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